Liste des poètes


Par Ordre alphabétique N à Z



Navarret i Xapa, Alfons

Noël, Florence

Pavot, Lydia

Pilato, Philippe

Pons, Ponç

Princesse aux pieds nus

Rafart i Corominas, Susanna

Raven Hill, Kevin

Rivals, François

Rocchia, Paquita

Robert

Roger, Eric

Ros, Yves

Roussel, Jean-Claude

Routel, Arnaud

Roy, Jean-Yves

Sainte-Maréville, Laurence de

Sampere Passarell, Màrius

Schweisguth, Juliette

Seassau, Mireille

Sestier, Jean-Claude

Seynhaeve, Catherine

Seze, Gilles de

Simarro Montané, Xavier

Soleil de Mer

Soleil Noir

Soris, Hélène

T., David

T.,Sonia.

Trussell, Amy

Turki, Elodia

Valle, Dominique (Herminos)

Vallette, Jean

Vignale, Frédéric

Virallonga, Jordi

Zacharie de lzarra, Raphaël

Zhour, Leila
                                                 ***
Haut de Page triangle

Navarret i Xapa, Alfons

Les mans del pescador

Aquests poemes pertanyen al llibre Corrents fred a l'horitzó, guanyador del Premi Miquel Peris i Segarra de Castelló de la Plana, l'any 1998.br>

Entre xàrcies ferides,
la llum de l'alba configura mentides,
el confetti sagrat
d'un manà promès
i sovint escàs i inassolible.

Les seues mans, que han
tractat de tu a tu a tu
cada dia sols ferotges i cansancis
eterns, van bastint la seua pròpia
harmonia: com la paüra d'un vol de gavines,
dibuixen les perfectes passes
d'aquest domini de naufragis i abraços
de sal que la mar, de vegades,
li abandona pel cos.

Però les mans no mai descansen,
esvaren les cordes i empuixen aquesta nit
que, ben prompte, ferirà calamarses i tendreses
en les petites mars on s'ancoren les barques,
al port on ella esperarà, dempeus, que ell arribe
i la bese, tot dient-li, de nou,
com de llargs han siguts els somnis.

Alfons Navarret i Xapa©

    ***
Llotja

Tot un conglomerat de carrers
li donen vida,
i hom els passeja amb el sabor
agredolç de la mar
dolçament fregant amb la rutina.

Si algú s'abandona,
pot arribar fins on la llotja
acarona la saba de l'aigua,
i el seu verd creix i domina.

Entre els seus murs,
granets d'història, algun rellotge
parat des de fa segles - la mar
tampoc no els necessita.

Més enllà, un xicotet jardinet
convida a un recolliment desesperat,
com si les onades temeren la nostra
indiferència i ens demanaren una poca
d'atenció, uns pocs versos, la companyia
d'un esguard cercant vaixells pirates o vaixells
mercants que arribarien a port el seu patiment
o alegria.

Alfons Navarret i Xapa©

    ***
Ses Illetes

Abraone la rutina, com qui dibuixa,
solament;
i el dibuix és tan car,
i és tan insomni, i pesa...

Ara, per exemple, dibuixe coloms
coloms d'embranzides que fulguren la costa
de metralles daurades com instants en el dubte...
De vegades la seua plata és tortura,
canvia les teles, les aranyes de l'insomni;
lluu molt baix per si molesta
i és per això que molesta i fa mal.

La usura camina la pell
va trenant els dolors exhausts de la fruita,
com safrà d'un dia amorosit d'odi,
oblidat entre les xàrcies velles i descosides
d'alguna americana.

Aquell sentiment era metralladora de pinzells
que esvaraven la vesprada dels seus olis,
era cuina com dibuix abstracte perseguit pels seus fantasmes;
malgrat tot la vida passa,
em va passant terca, fredament entre els dits
ferits i secs de l'arena,
doncs no he sabut mai com aturar-la del tot.
Des del seu vol baix i amenaçador,
perdent-se imperceptible entre les aigües dures de la història.

Alfons Navarret i Xapa©Alfara de l'Horta,
País Valencià, Spain
                                                 ***
Haut de Page triangle

Noël, Florence

Aquarelles en acier brut

Hommage à l'ami Bernard

La grâce a déposé ses pétales
sur le froissé gris d'un tablier d'enfance
contre l'usure d'une poignée
enflée comme par la soif
Tu aurais dit
les portes s'étiolent
grippées de pluies soudain sorties des arbres
las
l'automne s'allonge le sourire aux aguets

Pourtant
l'or fait frétiller les feuillaisons
poisson volé aux ires de papier
petite pèche de sens
Vois la lumière saute par-dessus
tous ces Grands Feux d'atermoiements
ces os rongés par contumace
et le vent bourgeonne du mystère
autre lieu de tes partances.

Bien sûr,
Tu m'entends reclure ces bruits dans un coffret:
rugueuses machineries
d'horloges alitées
exclamations sauvages
que des seuils effarouchés
charrient sous ton poids
foi assourdie de désert
contre ta vie brocardée de chansons

Alors je racle ta mémoire:
Cercles perlant à même ces ventres
de femmes doublées dans le plaisir
sortilège d'une seule couleur
et chant sorcier roulé sous l'ambre
Il y a tout à soulever
dans ton bonsoir lesté d'étoffes
aquarelles en acier brut

Derrière, tu disais,
il y a cette certaine prudence des formes
à s'avouer danseuses sur fil
entre ici et l'aujourd'hui
où l'équilibre te fit défaut

Depuis ces corps émiettés
je cachette la pliure d'un genou
recroquevillé sur une lettre
comme un poings serti de ton nom.

Florence Noël©(15 octobre 2001)

    ***
L'inespéré

I.
Dans mon ventre de sable
tu cajoles le vide tu en fais un miroir
pour assommer le vent.
Sous tes coups de butoir j'étincelle en douleur.
Ta douceur alguée
épouse
ses premiers remuements.

II.
Joue de tes poings sur le violon de mon dos.
Viens en rencontre à mes sèves affamées.
Tangue aux dentelles de mes rives.
Force-le à souffler l'orbe de mes reins.

III.
Les doigts froids
le matin indiscret
fouille le creux de mon sein
le scelle
de baisers clair sonnants.
Pour qu'il naisse
estampillé d'espérances.

IV.
Ca brûle sous tes rondes cuivres.
Je frémis d'ardeurs expirées,
dénoue le frais délire du don.
J'économise une larme
mes cils penchent vers l'été.

V.
Je cueille un regard vert sur mes draps de lin pâle.
Une main se glisse
chaude
au val de mon visage.
J'ai ses songes à muser en écho à ton sang.
Nous l'appellerons l'enfant.

Nous portons seuls encore ce désir
de fruit rouge.
Cette écarlate graine
riant.
Ce croissant de pastèque,

cette création lente de notre renaissance.

Florence Noël©(Bruxelles, janvier 2000)

    ***
Par ton Souffle

Frappe le grésil tambour des tempes. Ta voix éveille mon songe, puissant Ange du Nord. Profonde gorge d'où suinte le miel d'une fêlure. De tes ailes acérées, tu tranches, délicat, mes raisons de vivre, les oiseaux de champagnes écument mes ivresses d'âme. Ternis ma trop simple fontaine. Sous ta grâce j'expire en phrases si fraîches.

Cueillie en somme, je m'étire. Panthère des fleuves presque inertes. Mes coussinets signent le rugueux de la terre. Découvrir l'étrange chose, aller caresser les racines des rocs, aux abîmes des volcans gelés. Plonger dessous les carcasses de glaciers. Se laisser mordre l'écru de la peau par des monstres tectoniques. Des lames avides et froides. Se donner à la portée parfaite d'une vague d'harmonie. Se laisser engloutir dans les couvertures venteuses des monts rêvés. Déglutir la lie du sol, laper la lave des boueuses merveilles, se couvrir du limon des vins doux et brûlants. Sans reprendre son souffle, descendre s'étendre au lit suave du monde.

Des violons rapides aiguisent mes danses animales. Danser, danser. Ne serions-nous qu'une histoire de danse ? Un grand rond félin d'antre exhumé nidifie en moi. Ecarlate, une source jaillit, au confluent de nos coulées de rages. Une source vivace, légère, une vapeur d'aimer.

Et les grottes résonnent d'anciens carnages, ondoient d'images de guerre volées aux aigles pourfendeurs, aux vrilles exquises des sens, deviennent béances, clairières apaisantes où viendront demain boire ensemble la gazelle et la louve.

Florence Noël©

    ***
Nuit-Thé

Ventre offert, elle glisse le long des rondeurs
de leur lune creuse
Elle avale, bouche en proue, tous les cristaux des neiges
lavant son regard presque né.
Et disparaît distillée de nuit.
C'est l'ombre blonde qui l'enduit de mystère.

Il détache d'un citron un zeste d'or,
coupe de foudre,
presse un caillou promis aux ondes
entre ses doigts écarquillés.
Puis, berce le bol de leurs paumes
Encore une perle de fleuve d'oranger.

Et ils boivent, d'un même mouvement penché
Des étoiles s'allument sur leur peau d'univers
Pour les habiller de pépites
Incandescence.

Puis ils s'en repartent, chacun, vers un demain
semant l'effluve de leur ivresse,
quelques pétales de rose thé.

Florence Noël©

    ***
~ Mater Cité ~

Je suis une foule tapie dans un ventre de neige
mon visage halète dans les miroirs
gardé par ces immeubles
en blouse blanche.
Un portier m'offre
l'ombrelle d'une pluie crue.
Comme un vagissement de feux
des gyrophares éclosent sur les avenues
traversières.

Je brûle les aubes rouges
gémis sous les sirènes.
Ces cordons de passage,
ces étoiles dans le giron des places,
ces hâlages de lumière
confluent
vers l'issue d'amour.

J'attends le corps de pointe.
Rougoie dans les vaisseaux d'une ville en travail.
Les premières secousses sourdent
contre les lieux de croissance.

Un souffle stationne
la tête en bas.
J'allume un croisement de doigts
crispés aux linges.

Je suis un cri projeté dans un ciel de chair
mes pieds accélèrent la mémoire
franchissent ton corps d'enceinte
en enfance.

Florence Noël©(26 février 2001)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Pavot, Lydia

Ton souffle

Ton souffle est celui
D'un poète en liesse
Emergeant du silence.
Il est cette abondance
Qui ne cesse d'offrir
Sans compter.

Ravivé par l'amour
Il prend de l'importance
A chaque nouveau pas
En berçant d'un accord
Harmonieux et docile
Toute la paix du monde,
Puis rejoint le débit
Fracassant des rapides
Qui hurlent, incessants,
Leur credo.

Ton souffle est cet été
Qui projète ses joies
Aux multiples couleurs
Sur mon regard brûlant
Par mes larmes taries.

Semblable au vent du sud
Asséchant notre langue,
Il me laisse haletante,
Assoiffée de ta vie.

C'est bon de le sentir
Se poser sur ma joue
Avant de le savoir courir,
On ne sait où?

Lydia Pavot©

    ***
Délivrance

Vous pourrez bien chercher ainsi pendant des heures
Des jours, des nuits durant, ça ne changera rien.
Vous pourrez écouter, le temps d'une faveur
Toutes ces voix en or qui vous font tant de bien,
Jamais vous n'obtiendrez l'aveu de mes souffrances
Réduites au néant sous l'assaut d'un sourire,
Jamais vous ne saurez combien la délivrance
Est source de bonheur, pour qui veut la saisir.
Mais vous pourrez penser, qu'au regard du présent
Je suis l'absence même, exempte de douleur,
Vous pourrez regarder impitoyablement
Jusqu'au travers de moi pour y sonder mon coeur,
Je vous le dis bien haut et ne vous en déplaise,
Jamais n'en trouverez aucun de plus ardent!
Ne croyez cependant, s'il faut vous mettre à l'aise,
Que vous êtes celui pour qui mes sentiments
L'ont habité sans cesse de jour comme de nuit,
Sous l'assaut d'une bise ou de quelques caresses,
Moitié ivre de joie, moitié pleurant d'ennui.
Ne croyez pas non plus que je sois courroucée
D'ailleurs qu'importe au fond, qu'en auriez-vous à faire?
Depuis quelques années Prince, vous êtes né
De mes cheveux de rêve et d'âme solitaire.
Il revient au silence la part qui lui est due,
Or si de votre absence je vis en épousailles,
La cause qui me pousse à vous avoir déchu
Est que je n'aime pas les fausses retrouvailles
Et bien moins les rejets, expression de mépris
Vous mettant aux abois, souffrance bien futile.
Je crache sur l'affront comme sur le dépit
En cet absentéisme voué à l'inutile.

Lydia Pavot©

    ***
Lunaire

La lune voile le noir de la nuit
Par sa grâce immobile,
Sa trace indélébile,
Son croissant qui décroît à la tombée du jour,
Quand les corbeaux croassent et s'envolent d'amour.

Je crois voir un soleil éclairer tout le ciel
Quand nous tournons autour de nos tendres ébats,
Du loup garou qui pleure,
A l'aurore qui meurt,
Des parfums de la terre,
A vos bras qui m'enserrent...
La lune voile sa face
Dans la nuit qui trépasse
Aussitôt qu'elle passe
Et s'installe sans bruit
Sur le bord de son voile
Ou au creux de sa toile,
Telle une plume qui plane, diaphane,
Au dessus de son nid.
Soudain, elle se dérobe
Pour battre la campagne
Puis sabler le champagne
Et faire couler à flots
Toutes ses bulles rondes
Sur le plat de son dos.

C'est Pierrot qui le dit:
La lune, elle est ainsi.

Parfois, sur les maisons, elle fond
De tous ses papillons de lumière
Porteurs de larmes éphémères,
Qui rebondissent en chanson
Sur le sol, dans les courants de l'onde,
Dans le coeur des êtres de ce monde,
En un murmure de fer
Que nous n'entendons guère
Au creux de nos chimères
Lorsqu'elle effleure nos paupières.

    ***
Le solitaire

inspiré du poème "Le Marcheur solitaire" de Pier de Lune

Il vogue vers des jours chargés d'indifférence
Sans chercher à savoir où le porte le temps.
Dans son habit de lune il côtoie l'innocence
De ses années lumières ondoyant sous le vent.
Et son royaume d'or est une tour d'ivoire
Où coupé de ce monde, il protège ses jours.
Chaque heure de sa vie comme on le pourrait croire,
En fait un être fort au regard de l'amour.
Le murmure de l'eau frémit à son oreille,
On ne le voit plus guère tant il se fait discret,
J'aimerais tant lui dire qu'il n'a pas son pareil
Or l'instant me demeure éloignée en secret.

J'aurais aimé lui plaire pour jouir de sa présence
Mais le temps d'un soupir, il poursuit son chemin
Sans que je puisse mettre un terme à cette absence ;
L'attente de le voir venir et d'aussi loin
Se tapit dans mon coeur, en habite l'espace
Je suis une fontaine aux cascades hurlantes,
Mon écume s'épand et je n'ai plus l'audace
De laver mon amour à son eau turbulente.
Dans l'éclat d'un sourire, je contemple l'image
De celui qui n'est pas devenu mon amant,
Chacun poursuit sa voie en somme et c'est dommage
D'ignorer tout de lui, bonheur, malheur étant.

Cet horizon lointain s'étend sous mon regard
Tel une cible douce que je voudrais saisir,
Je caresse vos mains en songe par égard,
M'osant à vous baiser les yeux sans repentir.
Toujours cet amour fou qui taquine mon âme
En tombant sous le joug de sentiments amers,
Je vous garde en courroux quelques vers que je clame
Tant je souffre de vous savoir perdu dans l'air.
Vous quittez le berceau d'une vie conjugale
Le vide dans le coeur, prenant contre courant
Les assauts solitaires d'une plaie sans égal,
Puis redressez le front dans un sourire brillant.

Mais ce que l'on ignore c'est la prime défaite
Qui dépose en votre être un goût âpre, dolent ;
Si la vie continue à ses joies toutes faites,
Vous y fondez vos jours en mordant le présent.

Lydia Pavot© (18 octobre 2003)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Pilato, Philippe

faunes noirs

Dans l'air dansent des faunes noirs
Roulés par la bourrasque
Ils tombent et s'entrechoquent
Et la claque du vent les croise et les décroise
Dans l'air bleu saturé de lumière
Les faunes noirs font une étonnante pavane
Et quand leurs flancs, leurs fronts, leurs pieds se touchent
Il y a des éclairs tout blancs
Qui les font rebondir en cabrioles inverses

L'air bleu, l'air aveuglant
Unit et désunit les faunes
A l'envi
Les apparie, les mêle et les sépare

Mais voilà qu'une main dorée
D'un coup sec les rassemble,
Les étrangle,
Les ramasse,
Les enserre,
Les dompte,
Les encage,
Une main qui comme une aile d'or,
Une lame héroïque,
Jette un éclat furtif mais terrible
Contre le ciel

Dans l'air immobile et muet,
Dans l'air soumisv Dansaient
Les boucles noires
Du Faune

    ***
Papillon (1)

le papillon déploie
son aile double et transparente
où s'ébattent les glyphes exubérants de son coeur
contre le jus solaire
des fleurs-réverbères
et brûle sa couleur fragile
à ces flammes liquides

le papillon vibre un instant
un éternel instant
de ces fusions multicolores
et danse sa chanson imperceptible
et déchire son aile imprudente et belle
son insolent babil
aux épingles de feu des fleurs
et vacille
et en chute s'envole
en planant
ivre du sang transparent
de ses superficielles plaies
et zigzague
entre les fines lamelles coupantes du jardin
et papillonne
et pose son cadavre déployé
sur la pointe indolente des herbes

mort épinglé
le papillon
plaît

    ***
Papillon (2)

au miroir
coeur secret des flancs drapés de soie
de son boudoir
elle arrondit ses bras en arceaux
offrant un vol gracieux
à son regard éperdu

à chaque doigt un papillon
frénétique et multicolore
jette en reflets l'éclat bariolé
de ses ailes,
délicatement tenu contre la chair vibrante
par un fil d'or
qui perce son long ventre exsangue

leur agonie dansante et silencieuse
emporte ses mains
en un délicieux tourbillon de couleurs
qui met un feu voluptueux
dans ses joues:
ses yeux
noyés d'extase
vacillent
chavirent
au
miroir

    ***
Papillon (3)

le ciel
comme un grand papillon
s'apprête à refermer ses ailes

et de l'autre côté
de ses grands paravents
aux couleurs vives
où nous n'irons pas
écrasés entre les deux lamelles planes
sans épaisseur

le vide
s'apprête à rejoindre
le vide
à fermer
le vide

y aura-t-il des traces
de couleur
et de sang
et d'os brisés
et de cervelle
entre les deux lames sans interstice
et sans dualité
qui
du vide contre le vide
vont sceller la noce?

y aura-t-il eu notre vie
sous les signes changeants et irisés
du ciel-vent-papillon?

    ***
Papillon (4)

ton oeil en papillon
électrocuté
ouvre et ferme ses ailes
à la vitesse exacte de la lumière
et me photographie
plus vite que notre vieux temps

et
dans les fibres
irisées
de tes pupilles
en contre-plongée douce et froide
claque la danse dérisoire
de mon squelette éberlué
épinglé à l'angle impitoyable
de tes prises de
vie:

le papillon danse sa transe mécanique
autour des os confus
de ma vie instantanée

le papillon me fait la nique
et la lumière abdique au papillon

Philippe Pilato© (avril 2005)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Pons, Ponç

Menorca, 1956

Ponç PONS (Menorca, 1956) és catedràtic de Literatura a un institut. És un profund coneixedor de les literatures francesa i portuguesa. Col·labora amb articles i treballs de crítica literària en diversos diaris i revistes de Les Illes. Cal destacar, de la seva rica producció, la novel·la L’hivern a Belleville, 1994, i els llibres de poemes Al Marge (1983); Lira de Bova, 1987; Desert encès, 1989, que fou nominat al Premio Nacional de Literatura; On s’acaba el sender, Premi Ciutat de Palma Joan Alcover; Estigma, Premi Jocs Florals de Barcelona i Premi de la Crítica Josep Mª Llompart; El Salobre, 1996, Premi Carles Riba. Darrerament, ha publicat un conjunt de poemes i narracions titulat Abissínia. Escriu a mà i de nit.

    ***
Abu Akbar

1. Del llibre On s’acaba el sender, 1995


Als falsos déus l’oblit de la impostura.
Als enemics la creu de la venjança.

La sang ha germinat. La terra tota
serà color de sang. Fins el silenci
gemegarà pel foc rostint carn viva.

T’escric des de l’exili i de l’enyor,
des d’una pàtria amarga i estrangera.

T’albir des de la mort. La vida encara
madura els datilers i l’aigua corre
pel riu cendrós de la malenconia.

No hi ha cap més paisatge que el teu nom
ni cap camí feliç que el de tornada.

La neu dels puigs veïns sembla un coltell
que em talla fred els ulls i l’esperit
se’m glaça eixorc de pluja i de tristesa.

El paradís, Menorca, és el teu cos.
La meva set només beu als teus pits.

    ***

2. Del llibre Estigma, 1995

Vull parlar de la pluja ferida que nega
desvalguda el fangar, però em cega el teu cos.
Alta, dolça i esvelta, tenies les cames
sempre alegres i foscos els ulls somrients.
Jo em delia per tu. Selva d’àgils cabells,
perfumada i brusenta, et besava la boca;
resplendent, immortal, esclató de pits durs,
em perdia pel crit del teu son embarcat
en l’encesa blancor d’unes natges fulgents.
El desig és record. Parlaré de la pluja
menorquina i humil que ensopega afrontada
per deformes carrers bruts de rètols estranys.
El paper sagna humit. Els pronoms s’han perdut.
Un vent xorc i assassí destraleja aquesta illa.

Les paraules que escric són a penes memòria
d’una llengua i un temps més humà i solidari.
No hi ha res a rimar. Si de cas el perfil
mil·lenari del foc o l’encís tardorenc
de fullats caquiers. Espai d’home proscrit,
el vers sirga encetant àvids ulls que el dolor
tempta ingrat d’abaltir. Territori indefès,
bes el fang dels records i m’invent una pàtria.
Existesc perquè estim. El pa treu floridura
i el poema s’esfondra damunt de la pàgina.
Serà llarga la nit. Embaumat pel perfum
de la prosa el discurs és un mar on furtius
s’ennaveguen els mots. El cel sembla un dibuix
encerat i entre els pins hi ha gemecs d’animàlia.

    ***
Gorg d’ombra

Cal tornar a sembrar mots.

Pel quadern escolar hi ha vestigis d’un vent que vivia als penyals i besava amorós entre els arbres les muses dorments que abillades de llum somniaven els versos d’Horaci.

Virgili no ha mort.

La clepsidra ha perdut tota l’aigua i els llors assecats m’han servit per fer foc i cremar les deixalles que, brusc, esquitxat de quitrà, gemegós el mar gita.

Ja no hi ha res sagrat.

Des de l’hort on escric veig el bosc enllunat i sol·lícit intent refer l’illa que abraç en un íntim deler de bellesa i quietud.

Mentre cant enronquit el seu cos roquejat, en filera, pel full, abaltits i malalts, plens de pena i rancor, passen faunes que fugen.

    ***
Paraula nua

Ja no veus en la nit més que terres foranes, paraules perdudes i versos tatxats.

Tu ets només perquè escrius.

El llenguatge romànic que llaures i estimes et fa ser i comprendre. Sense ell tot és buit.

L’escriptura és un fil, un cordó umbilical que t’uneix a la vida que et fuig com embosta de fum de les mans.

Lector insomne que ocult vol ser lliure i secret, t’arrabasses el cor i l’esprems sobre el full.

Àvid d’aire i espai, net de gebre i tardor, mentre mires el bosc que barbull perfumat, lent t’inventes un temps que t’acull i, corcat, cantes ebri d’enyor el que ja no pots viure.

    ***
Jules et Jim

3. De llibre El salobre, 1997

Era un cine petit, amb poca gent, i jo,
que vivia l’amor en cartes sempre urgents
on hi havia el carmí de besades cremants,
vaig sortir convençut que era cosa de dos
viure junts i em vaig perdre pels Champs Elysées.

D’aleshores encara em fascina el Truffaut
putejat de la infància a Les quatre cents coups,
de L’amour à vingt ans o de L’argent de poche.

Regne d’ombres m’assec a la cova i revisc
exultant amb Plató La nuit américaine.
Tots dos hem madurat, Antoine Doinel és mort,
però qui no tindrà a un París de nouvelle vague
juvenil La peau douce quan veu Baisers volés!

El cine era petit, amb poca gent, i jo,
que fugia enversat d’un país estantís
atufat de resclum, no record el seu nom.

Les butaques tenien un suau tacte verd
i el metro Chatillon-Montrouge, esperitat,
passava fent renou cada quinze minuts.

Ponç PONS©

    ***
Menorca, 1956

Ponç PONS (Menorca, 1956) est professeur de Littérature dans un lycée. Il connaît très bien les littératures française et portugaise. Il collabore avec des articles et des analyses critiques à divers journaux et revues des Iles Baléares. De sa riche production, l’on peut mettre en avant le roman L’hiver à Belleville (1994), et les livres de poèmes En Marge (1983); Lyre en osier, 1987; Désert en feu (1989), qui a été nominé au Premi Nacional de Literatura; Où se termine le chemin, Prix Ciutat de Palma Joan Alcover; Stigmate, Prix Jocs Florals de Barcelona et prix de la Critique Josep Mª Llompart; Le Sel (1996), Prix Carles Riba. Dernièrement, il a publié un ensemble de poèmes et de nouvelles ayant pour titre Abyssini. Il écrit à la main et la nuit.

    ***
Abu Akbar

1. Du livre Où se termine le chemin, 1995

Aux faux dieux l’oubli de l’imposture.
Aux ennemis la croix de la vengeance.

Le sang a germé. La terre entière
Sera couleur de sang. Même le silence
Se plaindra du feu qui grille la chair vive.

Je t’écris depuis l’exil, le regret,
Depuis une patrie amère et étrangère.

Je t’aperçois depuis la mort. La vie
Mûrit encore les dattiers et l’eau coule
Dans le fleuve cendré de la nostalgie.

Aucun autre paysage que ton nom,
Ni route heureuse que celle du retour.

La neige des collines semble un couteau
Froid qui coupe mes yeux et mon esprit
Se glace stérile de pluie et de tristesse.

Le paradis, Minorque, c’est ton corps.
Ma soif ne s’abreuve plus qu’à tes seins.

    ***

2. Du livre Stigmate, 1995

Je veux parler de la pluie blessée qui inonde
Dénuée le bourbier, mais m’aveugle ton corps.
Haute, douce et svelte, tu avais les jambes
Toujours joyeuses et obscurs les yeux souriants.
Je te désirais. Forêt de cheveux agiles,
Parfumée et brûlante, j’embrassais ta bouche;
Resplendissante, immortelle, rage de seins durs,
Je me perdais au cri de ton sommeil en route
Vers la douceur en feu des fesses fulgurantes.
Le désir est mémoire. Je parlerai de la pluie
Minorquine et humble qui cogne honteuse
Les rues difformes souillées par d’étranges annonces.
La feuille saigne humide. Les pronoms sont perdus.
Un vent aride et assassin taillade l’île.

Les mots que j’écris sont tout juste la mémoire
D’une langue et d’un temps plus humain et solidaire.
Rien n’est à rimer. Ou peut-être le profil
Millénaire du feu ou le charme automnal
De plaqueminiers feuillus. Espace d’homme proscrit,
Le vers pousse vers d’avides yeux que la douleur
Tente ingrate d’abattre. Territoire sans défenses,
J’embrasse la boue des souvenirs et j’invente
Une patrie. Je suis car j’aime. Le pain est moisi
Et le poème s’affaisse sur la page.
La nuit sera longue. Embaumé du parfum
De la prose le discours est mer où les mots
S’embarquent furtifs. Le ciel semble une toile
Cirée et entre les pins gémit la vermine.

    ***
Gouffre d'ombre

Il faut semer des mots.
Sur le cahier scolaire il y a les vestiges d’un vent qui habitait les rochers et embrassait d’amour entre les arbres les muses dormantes qui vêtues de lumière rêvaient les vers d’Horace.

Non, Virgile n’est pas mort.

La clepsydre a perdu toute son eau; les lauriers asséchés m’ont servi à faire du feu et brûler les déchets que la mer violente, aspergée de goudron, étale dans la plainte.

Et plus rien n’est sacré.
Du jardin où j’écris j’entrevois sous la lune la forêt; prévenant je tente de refaire l’île que j’enlace par l’envie intime de beauté et de quiétude.

Pendant que je chante rauque son corps rocheux, en rang, sur le papier, abattus et malades, pleins de peine et rancoeur, passent des faunes en fuite.

    ***
Parole Nue

Tu ne vois plus la nuit que des terres étrangères, des paroles perdues et des vers entamés.

Tu existes car j’écris.

La langue romane que tu laboures et aimes te fais être et sentir. Sans elle tout est vide.

L’écriture est un fil, un cordon ombilical qui t’unit à la vie qui s’exhale comme poignée de fumée de tes mains.

Lecteur insomniaque qui occulte prétend être libre et secret, tu t’arraches le coeur et l’étends sur la feuille.

Avide d’air et d’espace, net de givre et d’automne, alors que tu regardes la forêt qui murmure, parfumée, lentement tu imagines un temps qui t’accueille et, pourri, ivre de nostalgie, tu chantes ce que tu ne peux plus vivre.

    ***
Jules et Jim

3. Du livre Le sel, 1997

C’était un petit ciné, sans grand monde, et moi,
Qui existait à l’amour par des lettres très urgentes
Maculées du carmin de baisers enflammés,
J’étais sorti croyant qu’il fallait être deux
Pour vivre ensemble. J’allais aux Champs Elysées.

Depuis lors me fascine encore le Truffaut
Des saloperies de l’enfance des Quatre cents coups,
De L’amour à vingt ans ou de L’argent de poche.

Pays d’ombres, assis dans la caverne je revis,
Excité par Platon, La nuit américaine.
Nous deux avons mûri, Antoine Doinel est mort,
Mais qui n’aura pas dans ce Paris de nouvelle vague
Juvénile La peau douce en voyant Baisers volés!

C’était un petit ciné, sans grand monde, et moi,
Qui fuyait plein de mots un pays corrompu,
Empesté de moisi, j’ai oublié son nom.

Les fauteuils procuraient un moelleux toucher vert
Et le métro Chatillon-Montrouge, affolé,
Passait avec grand bruit toutes les quinze minutes.

Ponç PONS©

Présentation et traduction française des poèmes par: Ricard Ripoll i Villanueva
                                                 ***
Haut de Page triangle

Princesse aux pieds nus

Florineiges

à YOR

Je suis cette étrange mélopée
Qui ne rythme ni le temps, ni l'espace.Je suis cette étrange mélopée
Qui ne rythme ni le temps, ni l'espace.
J'erre au fond des mers transparentes
Parmi les algues mauves,
Les dauphins blancs.

Je ne connais pas le repos des femmes soumises.
Je glisse tristement dans l'air pluvieux
Et je flotte aux vents des amours humaines.

Tes mots m'enivrent et je t'aime toujours.
De nos liens émane l'odeur fraîche d'un automne.

J'ai valsé dans tes bras et mes mains
Souples, éphémères ont caressé ton corps
Au Ruisseau des tendresses.
Maintes fois j'ai arpenté le sentier gris
Où le renard roux et la louve solitaire
Causent ensemble.

Ne sachant reconnaître ni le nord, ni le sud
Voilà soudain que le grand héron bleu
S'élève au-dessus du Lac
Et reprend son cap.

Au fond de moi s'érige un pays de lumière
Où j'en givre mes arbres de florineiges.

Princesse aux pieds nus

                                                 ***
Haut de Page triangle

Rafart i Corominas, Susanna

Breu biografia

Ha guanyat nombrosos premis de poesia i ha publicat, entre d’altres, Olis sobre paper (Tres i Quatre, 1996), Reflexió de la llum (Columna, 1999), Jardins d’amor advers (Editorial Moll, 2000). L’any 2000 va publicar un llibre de contes, La pols de l’argument (Edi-Liber), i en breu es publicarà la seva primera novel·la L’aigua dels somnis . Acaba de guanyar el Premi Carles Riba de poesia 2001 amb Pou de glaç .

    ***
Pou de glaç (Extraits)

Comprendràs el dolor
de les meves ciutats invisibles.

Unànimes s’hi empolsen urnes
salvant la vocació
de l’aire.
Tot es clou per fingir un passat remissori.

En el no-temps la guarda
és una immensa crida.

    ***

Qui dirà la paraula,
qui?

Improvisat rafal
davant la porta del teu mur,
em nafraré de sols autèntics
que cremaran enllà de boires
primordials.

Volcànic contra el temps
com pur ideograma
el meu silenci.

    ***

Com un replec primer de l’univers
en el líquid tendral d’estilitzades baies,
com un infantament al puny rosat de l’alba,
no la fona que gira sense esforç de la pedra
ni la frontissa neta de les portes que es tanquen;
com l’erol ombradís d’una primera ermita
on fossin tots els morts encara per plorar,
com la humitat dels oms sota una pluja lenta,
no la tinta que tiba com un tàvec.
De la pell de la vida sense pausa.

Com una veu, com una sola veu.

    ***

Hi ha somnis que no estrenen mai riqueses,
Cauen retuts en joies que ens aclamen
Com un estrany desvetllament de l’herba
En un riu sense dany en contrades tranquil·les:
No els mata la consciència en oferir-se al dia
Perquè ens prenen el cor com belles carns antigues
En olis que enfosqueixen el llenç de cels lombards.
Qui ens reconeix llavors, malalts d’altres nostàlgies,
Havent malmès l’espai de tanta llum precària
Com inunda les coses que toquem i mengem?
Pou de glaç descobert a peu de carretera,
Preserven l’avenir que haurem abandonat.

Susanna Rafart i Corominas©

    ***
brève biographie

Elle a gagné de nombreux prix de poésie, et a publié, entre autre, Huiles sur papier (Tres i Quatre, 1996), Réflexion de la lumière (Columna, 1999), Jardins d’amours adverses (Editorial Moll, 2000). En 2000, elle a publié un livre de nouvelles,La poussière de l’argument (Edi-Liber), et bientôt sera publié son premier roman L’eau des rêves . Elle a gagné le «Premi Carles Riba» de poésie 2001 pour Puits de glace .

    ***
Puits de glace (Extraits)

Tu comprendras la douleur
De mes villes invisibles.

Unanimes, les urnes poussiéreuses
Sauvent la vocation
De l’air.
Tout est clos pour feindre un passé de rémission.

Dans le non-temps la garde
Est un immense appel.

    ***

Qui dira le mot,
Qui ?

Hangar improvisé
Devant la porte de ton mur,
Je me blesserai de soleils authentiques
Qui brûleront au-delà des brumes
Essentielles.

Comme un pur idéogramme
Volcanique contre le temps
Mon silence.

    ***

Comme un repli premier de l’univers
Dans le tendre liquide de baies stylisées,
Comme un enfantement au poing rosé de l’aube,
Non pas la fronde qui tourne sans effort de la pierre
Ni la nette charnière des portes qui se ferment;
Comme le verger ombragé d’une première ermite
Où tous les morts devraient encore être pleurés,
Comme l’humidité des ormes sous une pluie lente,
Non pas l’encre qui tire comme un taon
Sur la peau de la vie sans pause.

Comme une voix, comme une seule voix.

    ***

Il existe des rêves qui n’étrennent jamais de richesses,
Ils tombent à genoux devant des joies qui nous acclament
Comme un étrange réveil de l’herbe
En une rivière sans dommage dans des régions calmes:
La conscience, quand s’offre le jour, ne les tue pas
Car ils nous volent le coeur comme de belles chairs antiques
Dans des huiles qui noircissent la toile de ciels lombards.
Qui alors nous reconnaît, malades d’autres nostalgies,
Après avoir gâché l’espace de tant de lumière précaire
Qui inonde les choses que l’on touche et mange?
Puits de glace découvert au bord de la route,
Ils préservent l’avenir que nous aurons délaissé.

Susanna Rafart i Corominas©


Version française par: Ricard Ripoll i Villanueva
                                                 ***
Haut de Page triangle

Raven Hill, Kevin

Eternité... Entre Vents et Lune

Assis sur les marches de mon repos
J'ois un folk breton rythmé en saccades
Anciennes et modernes, proches de l'inconnu !
Dehors, le ciel en volutes grises
Voile et dévoile la lune
Ronde comme le ventre de mes chats
Claire comme la transparence de ton regard
Lumineuse comme un jet de soleil
Sur ce crachin qui t'anime certains jours...
On se regarde. Mes yeux dans son sourire
Sa lumière englobant mon âme comme
Un astre satellite de sa grandeur.

Assis sur les marches de ma maison,
Le silence de la nuit se repose sur mes épaules
La fraîcheur nocturne éveille mes sens
En des recherches fluides, comme l'incessante
Vague portée par le flux et le reflux,
Chantante des coquillages roulant
Au sable humide, qui crépite à chaque passage,
Eclairé de mille phosphorescences,
Lumière éternelle de la nuit, sans bruit...

Je viendrai poser mon souffle en elle
Depuis toujours mon coeur et mon âme
En battent d'envie, de joie, presque d'appartenance!
Là-bas, chez elle, je suis chez moi;
Je respire avec ses vagues, m'y baigne parfois
Mange les fruits de son lit et écoute jusqu'au sommeil
Battre son coeur.
Je sais qu'elle dit oui, à qui l'aime...

Elle me dira oui.
Elle me dira oui, et me bercera de ses vents
Doux ou tumultueux
Me collera les cheveux d'embruns et d'envies...

Avec la lune, nous parlons en silence
Du bruit de la vie
De la beauté de l'amour
De son souffle tiède sur nos plaines vides
Égarées, perdues en labours inaccessibles

Avec la lune nous savons la souffrance
Du coeur de la vie
Du silence de la nuit
De la lumière de l'amour, même au coeur éteint
L'amour est comme la flamme du soldat inconnu!
Elle brûle, mais pour qui?
On ne sait pas toujours!

Alors, certains soirs, assis sur les marches du ciel,
La lune me dit que tout est à gagner
Rien n'est jamais perdu
Que la lumière de la nuit est parfois
Plus révélatrice que celle du soleil
Qu'écouter son coeur et son instinct
Est comme parler à la Lune...
Certains soirs, où la Bretagne vous manque...

Kévin Raven Hill© (19 janvier 2OOO)

    ***
Dans mes Nuits Blanches....

Dans mes nuits blanches
Nos corps se mélangent d'amour
Dans mes jours sombres
Mon coeur s'enveloppe de fièvre

Comme
L'un et l'autre

Dans mes heures creuses
Tes caresses prolongent les pauses
Dans mes Dimanches
Je sens ton corps en approche

Comme
L'un vers l'autre

Arrache-moi le coeur
Pour le porter à tes lèvres
Et fait pleurer nos peurs
Pour le couvrir de fièvre

Comme
L'un à l'autre

Prends ma main, où tu veux
Et traversons l'océan
Qu'en ses profondeurs marines
Je trouve ta moiteur intime

Comme
L'un dans l'autre

Prend mon sexe dans tes mains
Aveugle d'amour, il fera le chemin
Qui en retour t'enfantera
D'un cri jusqu'à la nuit

Comme
L'un pour l'autre

Ton absence est fertile
En résonnance d'amour
Chambre close à l'ordre du jour...
Ma semence en ta fleur éclose

Comme
L'un prend l'autre

Aveuglé de lumière divine
Ton corps sur ma peau érectile,
Glisse enfin sur la nuit,
Dans un abandon rutilant...

Comme
Toi et Moi...

Kevin Raven HILL© (novembre 1999)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Rivals, François

Nuits sans lune

Ces nuits qui s'étirent à perte de sommeil,
Qui font tanguer les barques
A rompre les amarres,
Ces nuits,
Chargées de duels à la pointe des mots
Dont le langage est la poudre
Ou la brise du lilas
Ces nuits,
Noires de combats sans armures
Amassant d'hier les blessures
Jusqu'aux aubes qui se brisent
Contre les volets clos,
Ces nuits,
Où chaque bruit murmure
Un soupir unanime
Une plainte au ras des murs
Ces nuits-là,
On les donnerait pour rien
À ceux qui n'en ont pas,
Juste pour voir
Une nuit qui nous viendra,
Bleue
Avec un matin rose.

François Rivals

    ***
Huile

Il aimait ce tableau
Son cadre écaillé
Où brillaient encore
Les lyres de l'âge d'or

Trois arbres rangés
Au bord d'un miroir
Noient leur ombre ternie
Dans une eau dormante.

Le miroir de la terre
Boit ces plumes de neige
Qui se dandinent en rond
Et meurent en l'effleurant.

Qui dira l'absolu du blanc
porté au néant
par la main offerte
à la magie de l'instant ?

Un matelas laineux
Réchauffe l'herbe molle
Un oiseau roux attend
Porté par le silence.

Il aimait ce tableau
Ce ciel laiteux au fond,
Voile immobile
Sur les mamelons blancs.

Un berger semble errer
Vers un feu, une fumée
Un rien de lumière close
Vient lui porter secours.

Il aimait ce tableau
Par où finit la terre
Presque à voix basse
Sous sa pelisse blanche..

François Rivals

    ***

Vos yeux sont de l'eau claire
Plus encore que les mers coralliennes
Du lait d'iris marbré d'émeraude
Leur donne une limpidité profonde
Qui nous invite au voyage mystique
Vers le soleil du Crépuscule des Dieux...
Vous êtes, Cosima, la Belle Aurore
Qui rayonna sur votre grand Wagner
Capitaine d'un Vaisseau Fantôme
Louvoyant sur l'océan des dieux...
Vos yeux ne parlent qu'en chantant
La légende ultime de Tristan et Isolde
L'Enchantement du Vendredi Saint.
Ils s'ouvrent au leitmotiv d'un mythe
Par l'Or du Rhin, La Walkyrie,
L'Anneau des Niebelungen, Parsifal...
Vous avez aimé Richard
Autant que Siegfried Idyll
Qui vous a peut-être fait pleurer
Vous avez su capter les eaux vives
Vous avez sauvé la mémoire du Ring.

Que votre regard si bleu
Sous une claire chevelure
Ouvre à tous les mélomanes
Les portes glorieuses du Maître
Du grand philosophe et poète
Qui nous fait vivre l'extase
Au travers de vos yeux...!

François Rivals

    ***
Impression d'hiver

Sur la vitre ma main
Se colle
Et l'autre pareille.
Il fait un froid polaire
Sous mes dix doigts

Des icebergs ou des fantômes
Se balancent en lisière,
Ces sapins qui pleurent
Au vent de neige, plus
Qu'il n'en tombe du ciel.
Une volée d'oiseau se froisse
Dans la blanche tombe.

Le reflet de mes yeux gris,
Inexpressive buée,
Se confond à moi-même,
Suis-je l'autre
Que je ne connais pas ?
Les traces creusées
Ecrivent l'hiver.
Immobile, je songe
Au soleil pharaonique.

Le silence se tait
Une fois pour toutes.

La saison nouvelle
Doucement transhume
Ses ailes d'oiseaux
Encore alourdis,
Portés par un vent tiède.
Les crocus brisent la neige
Frais comme des roses
Les pieds bien au froid
Et la tête pleine de ciel.

J'écoute les arbres
Qui ont repris langue
Et médisent
Du loup blanc..

François Chavanne

    ***
Champ d'épines

Tu allais, légère, avec ton cri d'oiseau
Si pointu qu'il en perçait le fond du ciel
Le soleil flottait en pétales sur ta robe
Tu semblais courir bien trop vite
Après ce qui t'avait souri
Tu allais, légère, vers cette clairière
Sous les tonnelles de l'allée des futs

Pieds nus, tu ameutais les filets d'herbe
M'entraînant sur ton petit nuage
Où dansaient en rond les heures figées
Jusqu'à glisser au fond de ces ronciers
Entremêlés de griffes rougies du sang
De la sublime enfance torturée

Jamais nos mains n'ont lâché prise
Quand s'accrochaient nos âmes
Dans ce berceau serré d'épines
Jamais nos lèvres ne se sont tues
Qui mâchonnaient un brin d'amour
A l'ombre des mots inextricables

Nous ramassions une branche rouge
Que l'on rendait à la terre ferme
Dans son abri de fin du monde
Là où commence l'autre chemin
La route blanche qu'on ne voit pas

Nous sommes revenus après l'hiver
La branche d'ici n'était plus là
Les noeuds de neige l'avaient brisée
Nous étions face à l'évidence
Je te prenais doucement la main
Celle d'une enfance qui s'achève...

Souviens-toi de la ronce
Sans éparpillements de lumière
Où s'échouent tant de barques
Chargées du premier sel...

François Rivals

    ***
Impressions

Une ombre noire tressaute dans les herbes
c'est mon chien qui dort et rêve
on dirait les vibrations d'une aube
délivrée de la pesanteur
jouant de secrètes couleurs
Quelle heure peut-il bien être ?
Le temps a-t-il changé d'horaires ?
Que les murs de la maison bougent
balancés par les ombres du tilleul
jetées d'un chaud soleil qui s'en moque
n'éclaircit guère mon esprit
J'allais dire : c'est sûrement midi !
Mais le chien là-bas m'invite au silence
Absurde, impensable, ce temps désarticulé...
Je ne crie pas, et crois alors entendre
le fin murmure de mes âmes mortes
ciselé en paroles déssèchées
montant du val des enfants
Mon chien continue de trembler
ému par l'agonie des rumeurs
qui sont chants d'oiseaux rares
chants d'oiseaux tombés morts


morts pour qui ? morts pour quoi ?
pour le pays de leur envol
pour l'horizon défié un grand soir
morts pour rien, morts pour tout
malades de mourir, ces bien-aimés ?
Cette apparence dans l'herbe douce
serait-elle une île aux trésors oubliés ?
Mon chien est là qui se souvient
je n'y aurais jamais songé
Quel mystère parfois nous entoure
et fait naître de fugitifs instants
glissant sur le dos d'un vieux chien
entre la nostalgie des fougères !

Les oiseaux ont tant survolé
ces longs chemins d'enfance
espaces et temps d'errance
mêlant nuits et printemps

François Rivals
                                                 ***
Haut de Page triangle

Rocchia, Paquita

Une fleur rare, une mère...

L'univers enferme tant de choses merveilleuses!
Les fleurs champêtres, les arbres, les belles roses,
Mais la plus jolie de toute fleur fraîche et éclose
C'est une mère, une fleur rare et assez mystérieuse.

A la senteur de l'amour, sa douceur est grandiose,
Une mère est une émeraude, cette pierre précieuse,
Verte comme l'espoir, raffinée, délicate, lumineuse,
Qui brille d'amour pour nous, mais avant toute chose,
Une fée qui ferait la magie pour rendre nos âmes heureuses.

Elle est comme une mer sereine, dans toute sa splendeur,
Comme un oiseau céleste à la voix d'un rossignol
Celle qui berce nos peines, qui essuie les larmes de nos douleurs
Qui veille sur nous, même lorsque nous grandissons.

Que nous soyons mariés ou que nous restions à sa maison,
Nous occupons une place dans sa raison, dans son coeur,
Une mère c'est la plus grande fortune que nous ayons
Et nous sommes dépaysés, le jour où nous la quittons.

C'est d'une valeur naturelle lorsque nous la possédons,
Mais si un jour elle quitte la Terre pour aller dans les cieux
Là nous saurons apprécier son amour et son immense valeur,
Aujourd'hui c'est sa fête, rendons-leur un grand honneur!
Bonne fête à toutes les mères du monde et des nations.

Paquita Rocchia© mai 2001(Andalouse née à Cadiz, Espagne)

    ***
Petite fleur jolie...

s " Petite fleur jolie ",
Beauté de la prairie,
La main qui t'a cueillie,
Pour son propre plaisir,
Sans jamais réfléchir,

Que tu vivais ta vie,
Ou cour de la prairie,
Unie à tes fleurs amies,
Pâquerettes et pissenlits.

Cette main irréfléchie,
Te serrant avec énergie,
Par son hyperthermie,
Finira par t'évanouir,

Ma mie, oui ma jolie!
Tu transpires et tu cries!
Tu es en train de périr,
Sa sueur t'a démunie,

C'est horrible, tu t'asphyxies!
Personne ne te voit souffrir,
Déshydratée, dans ton agonie
Hélas! tu as tout accompli,

Se comblant de plaisir,
Cette main pleine de vie,
C'est à toi qu'elle sacrifie,
Pour t'offrir à ses amies,

Et garder le beau souvenir,
De sa balade en prairie.
Ne t'en fais pas ma jolie!
Je suis ta vraie amie

Je te laisserais vieillir,
Jusqu'à que tu sois flétrie,
Dans ta verte prairie.

Par des photographies,
Ou sur ma tapisserie,
Allongée sur mon lit,

Avant de m'endormir,

J'aurais le grand plaisir,
D'admirer ton harmonie,

Tes nuances à ma vie,
Donnent gaieté infinie.
Mon âme sera ravie,
De te savoir en prairie,

Jusqu'à la fin de ta vie,

" Petite fleur jolie "
Beauté de mon plaisir,
Je t'aime à la folie.

Paquita Rocchia© le 27-novembre 2000 (Andalouse née à Cadiz, Espagne)

    ***
Ravissements...

Etoile, toi qui sais éclairer mes nuits sombres,
Ô! Lune toi qui sais éblouir mes pénombres
Ô! ciel d'ombre bleutée au soir quand la nuit tombe,
Ton soleil orangé par sa splendeur m'inonde.

Ô! toi, bel arbre altier, tes frais et verts ramages,
Où tous les oiseaux se servent de doux refuge,
Et lorsque le vent souffle en sa funeste rage
Je sais qu'alors pour eux tu peines et tu souffres.

Ô! toi la fleur champêtre aux beaux jours du printemps
Ô! jolie pâquerette tu es cette fine princesse
Qui éblouit mes yeux, ma vue et mon regard,
Et je reste en extase devant ta joliesse.

Ô! toi beau rossignol qui a cette voix des anges,
Et lorsque tu m'éveilles par ta douce mélodie
Je me crois au Paradis entourée d'archanges
Dont tu serais le "Saint-Bonheur" de ma vie.

Ô! mer majestueuse tes vagues déferlantes
Me font peur à jamais, et à jamais m'enchantent
Et malgré ta beauté je m'écarte, méfiante
Sirène effarouchée d'une peur que je chante.

Ô! toi poésie qui sait si bien embellir ma vie,
Comme une fraîche fleur odorante et jolie,
Qui embaume mes jours et parfume mes nuits,
Mon âme est jalouse quand loin de moi tu fuis.

Reste tout près de moi, ma Muse, je t'en prie!
Une nuit sans toi, et voici les cauchemars
Car tes si doux messages sont mes ravissements,

Paquita Rocchia©, le 12 février 2001

    ***
Una flor rara, una madre..

Nuestro universo encierra tantas cosas maravillosas,
Las flores silvestres, los arboles, las bellas rosas,
Pero la mas bonita de toda flor, abierta y hermosa,
Es una madre, una flor rara y bastante misteriosa.

Con esencia del amor, su dulzura es tan grandiosa,
Una madre es una esmeralda, esa piedra tan preciosa,
Verde como la esperanza, refinada, delicada, luminosa,
Que brilla de amor por nosotros, pero ante toda cosa,
Una hada que haría magia por volver nuestras almas dichosas.

Ella es como una mar serena en todo su esplendor,
Como un pájaro celeste con la voz de un ruiseñor
Que mece nuestras penas y limpia nuestras lagrimas de dolores
Que vela por nosotros, mismo cuando somos mayores.

Que nos casemos o que nos quedemos a su lado,
Ocupamos una plaza en su mente, en su corazón,
Una madre es la mas grande fortuna que hemos heredado,
Y somos desorientados el día que la dejamos.

Es cosa natural su valor mientras que la poseemos,
Pero si un día deja la tierra para marcharse al cielo,
Entonces nos sabremos apreciar su valor tan inmenso,
Hoy es su onomástica, celebremos y hagámosle honor
Feliz fiesta a todas las madres de Francia y de toda Nación.

Paquita Rocchia© mai 2001
                                                 ***
Haut de Page triangle

Robert

La chair de la rose

Agrave; Paulette

Elle s'écarta de moi quelques instants
Un soupir sans plus
Elle se jeta sur mes yeux le temps de l'extase
J'ôtais sa pelure rosée de ses gouttes de désir
J'en gouttai le parfum de pétales doux
De mes lèvres, j'arpentais ses formes
Ni rose, ni tissus n'eurent jamais une peau si douce
Ni sous le ciel, ni sous l'aurore boréale
Je n'ai connu cette douceur
Sous sa jupe frémissait ma joie
Par cent mille pensées
Ses cuisses fuyaient autour de moi
Comme la brise haletante
Sa poitrine me transperçait
Telles des aiguilles
Ses poils se hérissaient pour m'égratigner
Atour de nous, les bruits de la ville fuyaient,
nous ignoraient
Me délectant de l'eau translucide
Je m'enivrais de ses sons difficilement perceptibles
Je fouillais son marais
Je m'y enlisais
Jamais, aux sons de la musique de nos respirations,
je n'ai autant eu le désir de mourir
De faner à jamais sur son corps brûlant
Autour de nous notre présence n'était qu'illusion
Elle n'était qu'éphémère, comme la brise d'un matin d'été
Un soir elle s'écarta de moi,
elle disparut à jamais dans mes songes
et, dans ma chair, elle s'est évanouie

Robert©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Roger, Eric

Le Soleil la Nuit

Le Jour la Lune

La planète terre me désole
ses liens ne me disent plus rien
à force d'y vivre

je me noie
dans son ennui
étirant les journées trop courtes
par une lune ensoleillée
cela me désole les liens

le soleil la nuit
le jour la lune
et la liberté au fond d'une bouteille
que je balancerai
au bout de mon bras
c'est un cadeau que j'offre au fleuve
en guise d'amitié.

Éric Roger©

    ***
L'Outre-Monde

En hommage à Marie Uguay

La mer déferle vers le ciel
un infini a les yeux plein d'eau
c'est le nuage qui était content
de planter son couteau
dans le firmament

Ève croque le coeur d'Adam
et le reste de la pomme glisse
entre les doigts du diable

L'âge de la pierre
au fond de la mer
n'intéresse personne
sauf les trésoriers du silence
qui de jour comme de nuit
se costument en homme-grenouille
pour tenter de réveiller
l'outre-vie qui sommeille
au fond de l'océan

Éric Roger©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Ros, Yves

Muse...

Muse, sans rien réduire du disparate des singularités, tu retiens les éclats signifiants d’un réel morcelé, harmonisant leurs écarts en un dire d’énigme - parole d’avant les noms, parole dont l’appel à bouche quasi mue est invite au contre-appel du nom, à sa métaphore.

La grâce en toi d’une attention médiumnique, distraite, distingue dans un chaos de qualités les péripéties d’un conte que, d’accidents en épithètes, telle une devinette, tu enchaînes et narres pour éveiller, peut-être, un poète à la surprise partagée de leur intrigue.

Yves Ros© - Septembre 1999

    ***
Songes poétiques

Pour qui assembler des larmes?

Pour qui goûter
         au sel de la douceur?

Une femme aux bras clairs
         ouvre les milles vitres
         d'un collier de pluies,

les paumes chaudes
que l'on porte
         aux joues
s'arrondissent
         et protègent
un tendre vacillement
des lèvres.

Yves Ros©

    ***

Impossible amour,
           viens qu'encore
                     je te dise
                      une magie blanche d'aimer.


Éparse dans le lit ou recueillie dans le sommeil,
tu me donnes de sentir cette brisure qu'est une vie.


Le sceau fracturé des baisers mande des lettres ouvertes au temps.

Ne serait, oui, dans l'âtre des paumes, ne serait qu'un feu de secondes où ton être s'accomplit.

11.11.00
Qui suis-je,  en cette heure de tombée?

Un homme plus que jamais, un homme dont le sang reflue.

Tu es, ma virilité, odieuse.  J'avais envie de te le dire en face,  de trouver dans cette haine et cette détresse que nous aurons échangées  —  une chanson belle soudain comme une "fille" c'est ainsi que nous parlons! —  pour te comprendre et mieux encore nous partager.


J'aime qu'une chaleur empourpre à nouveau des lèvres,  l'échancrure qu'un air de jazz offre à cette soif de décolleté.


16.11.00
Sans cri, tu repartiras du vide — appariteur de ce qui seulement paraît; appariteur, oui,  d'une apparitrice dont les volets ouverts heurtent le dormant où baille ta fenêtre.

Je t'emprunte, chemin de la haine de soi; ces gants libres que tu me tends,  brûlent mes mains comme une antique tunique.

Tandis que le coeur à nouveau s'immerge, l'onde vibre peu à peu  — ludisme et enjouement d'une transparence trouble, à la fois rencontre,  désormais surprise.

Impossible amour, viens qu'encore je te dise une magie blanche d'aimer.


18.11.00
Mousseuse, la mie déborde de lumière, caramélise le contour de toutes choses et embaume la pièce d'une saveur de croissants.

Le délié du lien distribue priorités et vicissitudes au gré des rencontres,  établit des relais où sans cesse se noue et se dénoue notre intrigue.

Nous accompagnons nos frayeurs par des chemins de caresses, goûtant occasions et faveurs de mutuellement nous surprendre.


19.11.00
Tu dis : "Dommage!"

Oui, ce qui là nous damne fait apparition, nous mandant tous deux de disparaître.

Nous ne sommes l'un pour l'autre que ce double visage d'une insoutenable persécution dont la source est notre passion même.  Foi et perfidie ne se distinguent plus.

Ensemble nous cherchons.  Plus minces que des scies nos baisers se frôlent.

19.11.00
Nous demeurons toi et moi, l'un contre l'autre couchés, plus lisibles que des pages d'eau, comme épousés — amants d'une heure qui ne figure au cadran d'aucune horloge.

Nous nous passons l'haleine lorsque nous fendent des baisers, chaque parole de caresses sertie.

Le vin de la douceur, le tact âpre des approches, un désir entêté dont la langue revêt toutes tes saveurs blasonnent chairs et mots.

Je t'ai connue sans te connaître; le rasoir va trancher.  Les yeux rivés à sa lueur, je prends l'exacte mesure d'une soif de toi.


27.11.00
La brûlure te dépense.

Chiennerie, tu es la moue du bonheur, un baiser à bout de doigts vers qui t'emporte la vie dans le simple ticket d'un départ.

Comment ne pas aimer, lorsqu'être se résume à un poids d'os négligeable et d'eau en terre bientôt dissipée?  Comment ne pas crier d'envie folle d'être aimé?

J'ai peur, assis sur le seuil du jardins des songes, j'ai peur :  ce n'était sans doute que rêve.

Voici que ton index traverse mes lèvres.  Habitais-je loin moins que l'horizon auquel il tendait?

Fais de moi une calebasse creuse qui indéfiniment accueille la pluie.


28.11.00

    ***

Impossible amour,
           viens qu'encore
                     je te dise
                      une magie blanche d'aimer.


Mordre à travers*

L'éphémère a les ailes de la nuit.
L'araignée,
sa clarté disloquée mais tenace,
parachèvent le diadème.

Mordre à travers compose le rideau, la scène qu'il élève au mot brûlant de notre amour — corps chantourné de l'énigme entre deux rangées de dents.

Saison du tisonnier, tes météores déjoints ouvrent au silence l'ampleur traversée des sources.

06.12.00
Ouvrez, amants, la grande maison vide de l'automne, cette vitre que mord l'hiver et que seul habite le feu.

Ouvrez, gantelet de rougeur, votre rose démantelée qu'à sa cendre elle succède sur la paume faite neige du dieu au poing tranché.

06.12.00
Un homme. Il te cherchait. Les chambres succédaient aux chambres, chacune sa pareille. Tu disais : "De chaque robe aimer fait un labyrinthe", mais il n'y avait pas de labyrinthe. Seul, le continuel, l'indécidable passage. Tu étais, transie de froid, cette robe nue.

Une femme, qui le cherchait. De croisée en croisée, chacune sa pareille. Je disais : "De chaque vitre aimer ferait miroir". Il n'y avait aucun miroir. Seul, un incessant mirage par quoi le ciel réfléchissant nous relance.

Quels gestes abriteraient l'incandescent éclat où je demeure, souffle coupé, avec pour bâti cette intimité de ronce ?

07.12.00
Tu es si lente... Des caps t’enserrent. Mais tu fais tourner ta robe et les cailloux se baignent sous tes pieds.

07.12.00
Il y a quelque chose de seul, la formule d’un rêve, sa recette épuisante, épuisée.

Investis-moi que je pâtisse, cette syntaxe de l’agir nous a trop longtemps bridés.

Habite-moi, je ne veux de toi, comme d’une drogue, que cette accoutumance — contempler basculerait l’esprit.

Ainsi traversés, nous partagerions ce tic aux commissures des lèvres, les sources du baiser.

10.12.00

    ***
Perspective cavalière

L'un à l'autre, nous nous appartenons.
Maintenant, je le sens.
En quelle manière?
Il y avait des mots, tels les grains de riz d'un mandala.
Une transe les investirait. Ils en réguleraient le cours.
Travaux d'irrigation.
Autre, aucun horizon ne saurait te contenir.
Je parachève le chambranle d'une fenêtre; ainsi ouverte, à jamais.
Au moment même, nous nous trouvions en train de muer.

10.01.01

    ***
Agathes

Plus fermes et ronds que des agathes ont filé l'un vers l'autre, se sont entrechoqués nos "oui".
De toutes tes forces, tu avais lancé, relancé l'appel, franchi
chaque fois ta peur, rendu une à une caduques mes réserves.
Tu te sentais femme en cela et me le disais; je contemplai un mystère de tisseuse. "Musaie" n'était encore pour toi qu'un mot; il s'agissait pour moi déjà d'une façon de te chanter et de te comprendre.
Nous avons échangé gage et voeu de transparence.

14.01.01

    ***
Accompagnements

Tu boulangeais, disais-tu, sur la table des intempéries le fraisil d'une présence.
Le tournoiement de ta transe lucide, dissipant l'éclat des sphères, atteindrait un coeur où se réverbèrent les sonnailles de tes noces.
Tu prophétisais; mes doigts ajustaient ton voile d'épousée.

15.01.01

Yves Ros©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Roussel, Jean-Claude

L'oiseau du destin

Alors que tu n'étais encore qu'un enfant
Tu ne croyais pas en toi. C'est vers ta maman
Que tes deux yeux se tournaient tel un innocent

Elle simplement parce qu'elle était ta mère
Avait souhaité te donner des repères
Pour que seul tu t'en sortes mieux sur la terre

Souvent elle te prenait soudainement la main
Comme si c'était pour regarder vers demain
Bien souvent son amour réchauffait vos deux mains

Tu penses, cet oiseau t'a choisi par hasard
Et que bien sûr pour toi il est déjà trop tard
Où ce que je t'écris est vraiment trop ringard

Rends-toi compte que tu es très veinard
Repense donc à tes périodes de cafard
L'horizon de ces instants n'était que brouillard

C'est aujourd'hui que pour toi l'oiseau est venu
Il ne faut pas qu'il reparte sans t'avoir vu
Crois-moi Monsieur Destin sera vraiment déçu

Surtout tu ne dois pas passer inaperçu

Un jour complètement différent des autres

Jean-Claude Roussel© (Juillet 1999)

    ***
L'arbre à sentiments

La légende a toujours dit de cet homme
Qu'il ne pourrait jamais avoir de sentiments
Cette non vérité s'est un jour effacée

La roulette du hasard a pris sa gomme
Ce hasard sait qu'il intervient quand on lui ment
Un jour l'arbre cet homme a pu le rencontrer


Ce qui est arrivé par inadvertance
Et attribué à ses nombreuses absences
Réalité d'un heureuse coïncidence


La tête en l'air, il marchait sans regarder
Subitement contre l'arbre elle s'est heurtée
Donc, ce pauvre homme a été sonné


Nombreuses sont les personnes qui devant lui
Sont passées et l'ont vu endormi
Pensant que pour lui tout était déjà fini


En réalité, c'était tout le contraire
Qui était entrain de se passer. Sous cet air
Assommé, une transformation légendaire


Allait se produire le temps de son sommeil
L'arbre attendait que l'homme se réveille
Quelques signes annonçaient un proche éveil


Ceci arriva par un jour plein de soleil
Et depuis plus rien ne pouvait être pareil
Imaginez sa surprise lors de son réveil


Il s'aperçut de la particularité
De cet arbre, ces nombreux fruits qu'il put lui donner
Etaient tous différents, ce qui l'a étonné


Différents certes mais avec un point commun
Les croquer augmente toujours l'envie de faim
Sans jamais vouloir ce qu'est la fin


L'homme s'est réveillé, n'avait qu'une envie, manger
Devant tous ces fruits, il était émerveillé
Ne savait pas par lequel commencer

v L'arbre se mit à parler: "sers-toi mon ami
tous ces fruits sont pour toi, ils ont été bénis
Ta rencontre, ton sommeil ton réveil l'ont mûri"


L'homme resta muet un instant, lui répondit
"Je te remercie l'arbre aux milliers de fruits
je n'aurai jamais suffisamment d'appétit


Ils ont l'air si appétissant si délicieux
Je suis certain qu'ils sont tous très omptueux
Pour les manger il faudrait être très nombreux"


L'arbre répondit "chaque fruit a sa vertu
Mange-les tous et tu ne seras pas déçu
Tu obtiendras un résultat inattendu


Tu ne te reconnaîtras pas"
L'homme bien que peu convaincu se résigna
Tous les fruits l'un après l'autre il les mangea


Devinez ce qui ensuite se produisit
Son corps fut transpercé par une grande énergie
Spirituelle, très imprégnée de magie


Ensuite un phénomène inexplicable
Incompréhensible, inimaginable
A eu une conséquence immuable


L'homme put enfin éprouver des sentiments
Ainsi il pouvait vivre ordinairement
Mais surtout normalement et humainement


Aucun de ses détracteurs ne le reconnut
D'ailleurs à leurs yeux il a changé de statut
Revêtant l'habit de l'ami tant bienvenu


Ce qu'il n'a bien entendu pas pu comprendre
Il est vrai qu'on ne peut que s'y méprendre

Jean-Claude Rousse© (Tyrol,juin 1999)

    ***
La fleur de l'espoir

J'aimerai tant que cela arrive un soir
Pouvoir cueillir par hasard la fleur de l'Espoir
L'offrirai à ceux qui sont dans le désespoir


Afin que pour toujours ils ne broient plus du noir
Mais surtout qu'ils puissent leur futur mieux entrevoir
Nulle autre chose ne saura m'émouvoir

Jean-Claude Rousse© (Octobre 1999)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Routel, Arnaud

Un Arbre

Dans un arbre ,noyé de plâtre , gît un être androgyne
Il pourlèche un cadavre dans sa noirceur débile
Sa main embaume le soleil qui a trop duré
Son regard est sa définition
Ses sens réveilleraient une génération
Son eau rassemble le sel de son esprit
Tel qu'Il est,  Il n'est plus,  et Il sera encore
Un cri d'augure sort de sa figure
Il est plus blanc que le ciment
Et pourtant on ne voit que lui sur l'arbre
Quand les oiseaux reviendront
Avec eux de nouveau sera le son
Et plus sa logique s'efforce d'inspirer
Plus Il devient le monde
Il est l'arbre et son vide
Il ne sent plus,  Il sait et demeure
Alors le cadavre n'est plus, Il se meurt
Il est la seconde,  Il hait le temps
Et les oiseaux reviennent,  par sang froid
Tout se fige et le temps n'a jamais perdu
Car Il ne reste que le monde de cet instant là
Dont on ne sait qui le précède, et qui Il précédera
L'instant est vague car il a une durée
C'est tout le temps qu'il a fallu pour l'emmagasiner

Arnaud Routel© (septembre 1991)

    ***
Ange Noir

Ce ciel est si gris qu'il sème le sol,
Ce monde est si pauvre qu'il aime les fous.
. Ceux dont les regards perdus et désordonnés
Ne voient que les soirs et les pleurs.
Ceux-là même que le ciel foudroie.
Quand la folie se mélange au temps,
L'univers y reprend ses semences.
L'orage passé, la raison soupire
Le gris est la couleur de l'horizon
Et le noir celle de la vie.
Il n'y a de couleurs que dans les rêves,
Si pour autant il existe un sommeil.
C'est un enfer où il n'y a pas de démons,
Où le froid sème la douleur pinçante,
Celle qui n'en finit jamais
Et qui change à chaque instant.
C'est un tableau de désolation,
Où aucun enfant, aucun animal
Ne trouble l'écheveau usé du temps.
Il n'y a que l'homme face à son reflet.
C'est pourtant là que ces êtres échouent,
Là où le regard ne se porte plus,
Leur pensée n'étant plus qu'une mélopée
Que le silence conforte.
Tous ces yeux qui ne cillent jamais
Alimentent un désespoir tangible
Dans ce monde sans dimensions
Qui évolue sans jamais changer.
C'est ce qu'on appelle l'éternité.

Arnaud Routel©(octobre 1991)

    ***
Cacophonie

Je plonge et je découvre l'insanité parfaite
Des bas-fonds des océans livides.
Puis je m'enfonce encore et jamais
Je vois enfin le fond des ténèbres
Parce que je m'y fracasse,
La douleur rallume le calme éternel
De ce lieu déserté d'envie
Maintenant hanté par ma folie.
Ma vue n'est plus bleue,
Je sens l'eau sortir de mes rêves
J'entends le grondement léger des mers
Et de tous les coraux abîmés
De toutes les pierres rivées à leurs fenêtres.
Puis mes paroles remontent
Vers la surface obstruée de vagues
Elles ne percent l'horizon
Que pour mieux replonger dans l'eau
N'ayant trouvé aucun vent
Avec qui partager leur conversation.
Je les vois revenir dupes et tristes.
Tout cela me console amèrement
Même ma solitude est une cacophonie.

Arnaud Routel©(décembre 1991)

    ***
La nuit est un songe

J'attends que le soleil efface la longue nuit bleue,
Je sens que le réveil brillera de mille feux,
C'est la nuit noire que j'exorcise par la nuit blanche,
C'est le lourd soleil qui s'est saoulé sous les planches.

À chaque nuit le monde muet se pend par le ventre
Et chaque jour qui pointe est un poignard qui éventre,
Tout le sang du monde ne séchera pas en une nuit
Il n'y a que Noé pour sauver ses brebis.

Parenthèse de la nuit dont elle désire l'éclipse
L'aube est un recueil de fantasque apocalypse,
Et comme ce roman-lumière se moire dans mes yeux
Au lourd mur de mon sommeil je fais mes adieux.

Arnaud Routel©

    ***
ATER

Couleur de l'absence et de l'infinie présence
Le noir vole aux autres l'essence de son existence,
Le noir, schizophrène absolu, le noir est blanc
Couleur de la nuit et du jour chauffé à blanc.

Chaleur de l'ennui, dévore ma chair et mon rire,
Ô toi mère d'infamie, laisse-moi donc te décrire,
Ô toi mère d'insomnie, cesse donc de me détruire,
Chaleur de l'obéissance, pécore à instruire.

Pâleur en naissance, nos extrêmes se sont grisés,
Quelle jouissance de percevoir la nuit irisée!
Quelle puissance de pouvoir goûter aux âmes blessées!
Pâleur qui s'enfuit, livrant ce monde terrassé.

Arnaud Routel©

    ***
Dérive

Le papier a bu l'encre comme une mer avide
Et souilla l'amnésie de la feuille livide,
Le papyrus se repaît d'une pluie de mots noirs
Comme un océan qui a saoulé sa mémoire.

Les mots sont des icebergs dérivant en silence
Sur la lenteur exquise que la banquise esquisse,
Les phrases se laissent sombrer dans la déliquescence
Comme un navire poreux dont le souvenir glisse.

Arnaud Routel©

    ***
Soupir de Cire

Les bougies pleurent pour moi la haine qui m'étouffe,
Ces chaudes larmes sont pour moi un exutoire
De ces sincères soupirs sans auditoire,
Jusqu'à ce qu'expire la flamme sous mon souffle,
Car, dans l'obscurité que rien n'étouffe,
Une félicité noire me coupe le souffle.

Arnaud Routel©

    ***
One way

J'ai personne à voir et pourtant je vois,
Impossible d'oublier et pourtant je bois,
Nulle part où aller et pourtant j'avance,
Pas de ligne d'horizon, point d'espérance ;
Juste le brouillard du présent droit devant,
Et je cherche en vain un objet tranchant
Afin d'aller voir de l'autre côté
Le soleil que je n'ai pas oublié.
Mais je paie cher ces moments d'évasion
Quand les fines larmes déroulent leur invasion.

Arnaud Routel©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Roy, Jean-Yves

Passerelle

à S.L.

Je cherche mon poème
Mais ne le trouve pas
Ailleurs qu'en un JE T'AIME
Lancé entre nos bras;
Nos bras qui, si souvent
Font une passerelle
Entre les arbres, dans le vent,
Entre la fleur et l'hirondelle.

Jean-Yves Roy,St-Nicolas,Qc©(novembre 1999)

    ***
Les mains

à C.B.

Saurai-je les secrets que renferments tes mains?
Femme, les presserai-je entre mes doigts fragiles
Tes mains douces qui font danser leurs doigts agiles
Sur le piano, la nuit, en des airs incertains?

Saurai-je les cueillir comme fleurs au matin
Dans la corbeille d'or de mes deux mains d'artiste
Tes mains, femme si belle et qui semble si triste
D'être seule à garder les secrets de tes mains?

Passerai-je toujours sur les vastes chemins
Sans répondre aux appels des amours incertaines
Ou bien saurai-je, un jour, rendre tes mains certaines
Au nid de fleurs d'amour que t'offriront mes mains?

Jean-Yves Roy©, St-Nicolas, Qc.

    ***
Pour celle qui vit sur l'avers.

J'écris pour tes grands yeux
Sur le noir des fenêtres;

J'écris pour que tes mains
Soulèvent des désirs;

J'écris dans le milieu
D'une aube qui veut naître;

J'écris pour le plaisir
De savoir que demain
Je saurai reconnaître
L'avers de mon destin.

Jean-Yves Roy,St-Nicolas,Qc, Octobre 1998

    ***

Ouvre ta porte. Un Ange
s'amène à pas tremblants.
Il tient une mésange.
Il a des souiers blancs.

Qu'annonce-t-il? Le sais-je?
Peut-être le beau temps?
Mais Oui! Car c'est la neige
Qui danse avec le vent

Sur mes souliers d'enfant...

Jean-Yves, le 13 décembre 1998

    ***

Sous l'aile d'un oiseau, ce matin, j'ai placé
Un feuillet d'air rempli de proverbes étranges.
L'oiseau semblait heureux comme on l'est le dimanche
Quand le bonheur est rond, quand on en a assez
De sentir les odeurs qui masquent la semaine.

Et l'oiseau est parti en emportant mes mots.
Il a franchi sans peur une haie de corbeaux
Sachant que mon feuillet soulagerait ta peine.

Je sais qu'il est allé au nord de la montagne
Dans ce pays brumeux où s'activent tes pas.
C'est vers toi qu'il s'en va car tu es une Espagne
Remplie de beaux châteaux que les gens ne voient pas...

    ***

Et le Verbe se fait ... cher

Toujours parler.
Donner au verbe sa raison.
Chercher au plus doux de la terre
Des mots en floraison.

Toujours parler. Ouvrir
Nos phrases singulières
Aux seules dimensions
De l'instant qui fleurit.

Parler. Suivre à la trace
Sur des compas de neige
Le tracé d'un bateau
Qui traverse le ciel.

Et parler d'une grive,
D'un chat, d'une perruche,
D'un outil sur la table,
D'une porte brisée.

Parler d'une atmosphère,
Evoquer un parfum,
Parler pour allumer
Des yeux au bord du coeur ...

Jean-Yves Roy©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Sainte-Maréville, Laurence de

Cerceau

Derrière mes yeux de coussins d'eau, nos mains qui souffrent sur la pause,
derrière mon voile tanné de nous, gémissent nos pas qui s'abandonnent...

Je vis ton ombre sur mon cou, tes mots frissons étreinte folle
c'est l'éternel baiser d'épaules, sourire larmes.

Safranée, ta peau ruisselle sur mon âme entrouverte,
enivre l'aube des splendeurs de la nuit,
ta vie touche ma vie,

tes lourds battements me contiennent,
m'épuisent d'invincibles parfums,
sanglots sous le porche de l'effluve éperdue,

mon corps, pressé, sourcille dans l'air qui étouffe,

le dos à la lune,
le nez sur l'aile mordorée, tu ensorcelles le bonheur,
nous résonnes sous le chant timide de l'exubérant feuillage,
espaces les syllabes,

et plus fort qu'une saveur,
j'offre mon âme captive,

en pétales,

et nous remets au monde...

Laurence de Sainte-Maréville©

    ***
Le Passage

Le passage est étroit
plus étroit encore à chaque démesure
à chaque temple
à chaque spirale.
Saturne au vent, suffoque
comment seront les semailles?

Le passage est étroit
et le couchant,
ainsi qu'un baiser inassouvi
s'agite au fond des lames.
Dilatée, la rime accroupie s'ébrèche
frôle la vie qui mord et apaise
reflète la rumeur vêtue de sa gangue d'ambre.

Le passage est étroit
plus étroit encore au milieu des harangues
des lèvres effilées
des contrebasses et contrecoeurs
des odeurs de vase et de sucre
mais au bout de la nuit se taisent les bleuissons
tandis que revient, insouciante,
notre musique.

Laurence de Sainte-Maréville©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Sampere Passarell, Màrius

Breu biografia

Màrius Sampere Passarell va néixer a Barcelona el 1928. La seva joventut coincideix amb la guerra civil. La precària situació econòmica el va obligar a treballar molt jove però la biblioteca familiar ja l’havia lligat al món de la literatura.

Al voltant dels anys 60 es va definir com a poeta professional. El 1963 va guanyar el premi Carles Riba per L'home i el límit, també ha obtingut el premi Miquel de Palol per Llibre de les inauguracions (1986), el premi de poesia de la Institució de les Lletres Catalanes per Demiúrgia (1997), el premi de Crítica "Serra d'Or" per Subllum (2000).

Amb un estil líric característic, Màrius Sampere Passarell descobreix el quotidià amb una mirada subtil, adesiara irònica, barrejant-hi les angoixes i les inquietuds del pas del t emps, de la mort i de la solitud. La força de la seva paraula poètica li ha conferit un lloc en la història de la literatura catalana.

    ***
De Subllum

1. Temps de preeternitat

Si és cert que crema el firmament
Bufeu ben fort, així
Potser n’apagareu
L’estrella culpable.

Potser. Car el temps de cada cosa
Té una mateixa dentadura blanca
Per a tots el atzars, l’esmolaren a la mida
De la fam i el bes.

A l’últim, si em pugeu
En una ambulància,
No la feu córrer:
Que jo tingui temps de morir.

    ***

2. Ressuscitem

Ressuscitem. Vol dir
Continuar cercant
L’origen de l’ombra. Ombra vol dir
Resurrecció.

On és?
On cau l’incendi? Quina mena de flama
Ens evita el greix per mantenir-nos
Freds, àngels?

La mort precedeix el pelegrí
I justament del silenci
Parteix el manament: vine, vine!, tants cops
Com vides perdudes.

El pols mesura les passes que s’allunyen,
La llum és
La llum que torna.

    ***

3. Dona, d’aquí a un temps

Dona, d’aquí a un temps,
Després de tu i de mi
I de les flors marcides,
Què en serà, d’aquest dormitori
On ens hem estimat?

I què en serà, del mirall.
Del penja-robes, del balancí,
Del retrat de nuvis que tira a magenta,
De les fines esberles
Del guix, que han absorbit
El nostre alè, la mortal malaltia?
Ah, no ho sé!

En canvi sé una cosa
Més gran i més antiga: passaran milers d’anys
I, no ho dubtis, tornaré a escriure
En aquest paper
Per primer cop com ara
Les mateixes preguntes.

    ***

4. Tardor

El camí és el deure
I el càstig. I és
Nus de tants camins
Com variants té el groc.
La quietud de les fulles jacents indica
Cap a on s’adreça, fatalment,
El pas, la recerca.

Si sabés com es diu!, el cridaria
Per damunt del color inalterable
D’aquest silenci. O potser
No hi ha camí sinó pèrdua
I he de retornar
A la casa vella: el teu nom
Al final del meu nom.

Màrius Sampere Passarell©

    ***
brève biographie

Màrius Sampere Passarell est né à Barcelone en 1928. Sa jeunesse coïncide la guerre civile. La précaire situation économique l’oblige à travailler très jeune mais la bibliothèque de ses parents l’avait déjà unit au monde de la littérature.

Pendant les années 60 il s’établit poète professionnel. En 1963 on lui accorde le prix Carles Riba pour L'home i el límit. Il obtient également le prix Miquel de Palol pour Llibre de les inauguracions (1986), le prix de poésie de la Institució de les Lletres Catalanes pour Demiúrgia (1997), et le prix de Crítica "Serra d'Or" pour Subllum (2000).

Par un style lyrique qui lui est propre, Màrius Sampere Passarell dévoile le quotidien d’un regard subtil et parfois ironique en y mêlant les soucis et les inquiétudes du temps qui s’écoule, de la mort et de la solitude. La force de sa parole poétique lui a valu une place dans l’histoire de la littérature catalane.
(Présentation de l’auteur par Judith Sastre.)

    ***
De Subllum

1. Temps de prééternité

S’il est vrai que le firmament brûle
Soufflez bien fort, ainsi
Eteindrez-vous peut-être
Son étoile coupable.

Peut-être. Car le temps de chaque chose
Possède la même dentition blanche
Pour l’ensemble des hasards, aiguisée selon
La faim et le baiser.

Enfin, si vous me montez
Dans une ambulance,
Ne la faites pas courir:
Que j’aie le temps de succomber.

    ***

2. Ressusciter

Ressusciter veut dire
Chercher encore
L’origine de l’ombre. Ombre veut dire
Résurrection.

Vous les anges, dites-moi :
Où est-il?

Où trouver l’incendie? Quelle sorte de flamme
Nous évite la graisse pour nous maintenir
Dans le froid.

La mort précède le pèlerin
Et justement du silence
Part le commandement: viens, viens! autant de fois
Que de vies perdues.

Le pouls mesure les pas qui s’éloignent
La lumière est
La lumière qui revient.

    ***

3. Femme, dans quelques temps

Femme, dans quelques temps
Après toi et après moi,
Après les fleurs fanées,
Que deviendra cette chambre
Où nous nous sommes aimés?

Que deviendront le miroir,
Le porte-manteau, la berceuse,
La photo de mariage qui tend au magenta,
Les fines lézardes
Du plâtre, qui ont absorbé
Notre haleine, la maladie mortelle?
Ah, que sais-je?

Mais je sais une chose
Plus grande et plus ancienne: les siècles passeront
Et, tu peux en être sûre, j’écrirai de nouveau
Sur ce papier
Pour la première fois comme maintenant
Les mêmes questions.

    ***

4. Automne

Le chemin est devoir
Et châtiment. Et c’est
Le noeud d’autant de chemins
Que le jaune a de nuances.
La quiétude des feuilles éparses indique
Vers où, fatalement, se dirige
Le pas, la recherche.

Si je savais son nom!, je l’appellerais
Par-delà la couleur inaltérable
De ce silence. Ou peut-être
N’y a-t-il pas de chemin, mais perte
Et je dois retourner
A la vieille demeure: ton nom
Au bout de mon nom.

Màrius Sampere Passarell©

Traduit par Ricard Ripoll i Villanueva
                                                 ***
Haut de Page triangle

Schweisguth, Juliette

Hommage à l'ami Bernard

Bernard cher "parrain" (comme tu t'es nommé un jour quand je t'ai présenté la photo de ma petite cousine et ma bouille avec)


j'ai envie de t'écrire ce soir, même si tu n'es plus dans ce côté-ci de la vie... Je ne sais quoi te dire avec les mots de tous écrits noir sur blanc, c'est plus simple de te parler intéreurement, j'avais envie de te faire un bonjour, un au revoir ce soir où je me sens triste de ne pouvoir sourire avec toi... mais de quel côté est la vie, et la mort? il me semble que ton absence est aussi présence, je dialogue avec toi dans mes lectures, surtout dans gaston bachelard dont tu avais les oeuvres complètes (je me les procure peu à peu) je ne sais dans quel temps tu es, toi qui ne croyais pas tout en respectant et en voulant comprendre la foi des autres... j'ai toujours du mal à me faire à ton suicide, ce balancement brutal comme un cri étouffé, cet instant de bascule... peut-être l'instant d'après, tu serais resté vivant?


Tu vis dans la mémoire de tes amis, tu vis par les infographies et poèmes que tu as donné, offerts en partage de l'écriture de tes amis et de tes poésies... le jour de ton enterrement, je n'ai pas laissé de mot sur le livret, pas même jeté une fleur car tout était trop criant, une boule dans ma gorge m'empêchant de pleurer, et le soleil insolent éclatait dans le bleu de villefranche-sur-mer... comme si tu nous faisais une farce, en nous disant "allez, ce soleil, c'est moi qui vous sourit, je reviens" mais non, tu ne reviendras plus... Ton sourire était trop doux pour ce monde, pourtant tu lui riais souvent aux éclats à cette vie qui ne t'a pas laissé tranquille.


Avec le pastis que tu créais, et cette bouteille de rosé roquettant qui ressemblait à du rouge que tu m'avais offert avant que je ne reprenne l'avion (elle venait de tes vignes). La terre que tu aimais cultiver, tu as voulu la rejoindre, et peut-être pousses-tu dans un arbre, fleuris-tu dans le ciel... Tu dirais non...


Je ne sais pas t'écrire ce temps étrange dans lequel je suis avec toi quand tu n'es plus là, mais là quand même, ce temps qui n'est plus compté, plus le temps des humains...


Cet extrait de Bachelard:


"Pour Gaston Paris, la clef de la légende du Petit Poucet-comme de tant de légendes!- est dans le ciel : c'est le Poucet qui conduit la constellation du Grand Chariot. En effet, Gaston Paris a noté que dans de nombreux pays, on désigne une petite étoile qui se trouve au-dessus du chariot, du nom de Poucet.


Nous n'avons pas à suivre toutes les preuves convergentes que le lecteur pourra trouver dans l'ouvrage de Gaston Paris. Insistons seulement sur une légende suisse qui va nous donner une belle mesure d'une oreille qui sait rêver. Dans cette légende rapportée par Gaston Paris, le chariot se renverse à minuit avec un grand fracas. Une telle légende ne nous apprend-elle pas à écouter la nuit? Le temps de la nuit? Le temps du ciel étoilé?


Où ai-je lu qu'un ermite qui regardait sans prier son sablier de prière entendit des bruits qui déchiraient les oreilles? Dans le sablier il entendait soudain la catastrophe du temps. Le tic-tac de nos montres est si grossier, si mécaniquement saccadé que nous n'avon plus l'oreille assez fine pour entendre le temps qui coule. "

"la Poétique de l'espace" de Gaston Bachelard

Je t'embrasse d'où que tu sois.
Juliette ton amie

    ***
Silence trop tard

Pour ceux qui restent et ceux qui partent
Pour Bernard Flucha, mémoire


Partir dans l'entre-deux des rives oubliées
regarde la lueur échappée de tes ombres

quand le trop plein bascule aux sables du passé quand ta vie va moisir crevée dans les décombres

Reste pour un matin-tendresse d'une main
échappe au poids du monde échappe à ce qui gronde
quelque part un coeur crie contre la mort qui happe
quelque part l'espoir rythme en creux du nulle part

"Tu laisses un peu de toi"* pousser sur nos chemins
le regard de tes mots et ton rire à la ronde
dire si peu de toi ton geste qui nous frappe
dire au-delà du dit ce silence trop tard

Egarer tous ses pleurs dans un rêve avorté
recueillir la douleur quand la tête nous sombre
mais toujours avancer quand la terre a glissé
mais toujours respirer quand les vers nous dénombrent

Juliette Schweisguth (27 octobre 2001)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Seassau, Mireille

Hommage à l'ami Bernard

Quand j'aurai rejoint les racines,
appelle-moi avec ta voix.
Et le soleil me semblera
pénétrer jusqu'à ma racine.
(Juan Ramón Jiménez - Fleuves qui s'en vont - José Corti (Ibériques) 1990)

***

       ... J'aurai tant aimé la vie
qu'elle donnera une forme au souvenir qu'on aura gardé de moi.
(Joe Bousquet - Lettres à Poisson d'or -
Gallimard (L'Imaginaire) 1999)

***

Pour Bernard

"Traduit du silence" où aucun bruit ne vient plus, tu habites ici, la maison de ma mémoire.

Je te regarde doucement. Tu es assis à la table, dans un nid de soleil, l'été. Tu partages le lait, Christie pour la voix de Léo et cette lumière en clair-obscur sur tes pensées.

Octobre à peine ... et le chat à l'intérieur de ton nom. Je te regarde doucement. Tu ris et nages après la pluie qui court sur les marches. Maintenant, le temps se racornit sous le froid. Je cherche tes racines autour d'un lac, puis dans les mains de Rodin et de Camille, partout. Partout...

Mandelieu

Alger, Digne... L'Italie...
Ailleurs
L'anis étoilé de ton coeur
Quelques maisons blanches dans tes cheveux, les boucles fauves d'une voix d'enfant, un ballon dans les bras... dans tes bras, mon inoubliable.

Je te regarde doucement, avec un bout de la jetée pour mémoire du monde, l'éclat des poissons de roches nourrissant tes repas profonds. Et j'ai peur, peur d'un seul regard d'abîmer ton passage, le bruit de ton reflet sur le miroir de la maison. Peur d'un seul désaccord de guitare, de perdre l'harmonie de tes couleurs, tes collections de terres chaudes aux heures soigneusement comptées. Là-bas, les dernières serres du pays. Un sablier renversé, "la seconde que tu donnes, plus haute que la vie, "à hauteur de ton coeur", à l'heure du vent jusant solidaire et fragile". Cette lave profonde en solitude où tu plantes ton bâton, la fureur de vivre périmée... toute la beauté du monde, mon inoubliable.

Depuis ton départ, le sel prend feu sous l'eau. Indomptée, une grappe d'affection flambe dans le froid, réchauffe puis retient les chevaux de nos pensées, et cette nuit blanchie, déchaussée de ton pas.
Alors, je te regarde doucement. Tu es assis à la table de la tendresse, l'été, de l'autre côté de la vie.

Je t'embrasse dans le coeur, mon Bernard. Je pense à toi.

               Mireille, (5 novembre 2001)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Sestier, Jean-Claude

liminaire

Né en 1936, Jean-Claude s'est éteint en 2006 après une longue maladie. Professeur au lycée de Villard-de-Lans, il a consacré toute sa vie à la littérature et aux lettres.Il comptait beaucoup d'amis parmi les internautes. Son site web Jean-Claude Sestier est très populaire et toujours actif grâce à sa chère épouse. En mon nom et ceux de tous les internautes, merci chère Anne-Marie de perpétuer ainsi sa mémoire.

Il était un ami sincère sur lequel on pouvait compter en tout temps, un professeur et un guide. Je lui dois mon écriture et mon amour de la poésie. Il m'a encouragé à écrire et a corrigé mes erreurs durant plusieurs années.

"(2011) Cinq ans déjà que tu es parti. Cinq ans durant lequel chaque jour mes pensées t'accompagnent. Cher ami, tu référais souvent à Lamartine "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé". Depuis ton départ j'ai fait mienne cette phrase et l'adresse particulièrement à toi.

voir aussi cette page en hommage à ce très cher ami, sous le pseudo du légendaire Faust PdL

    ***
Malgré

Malgré tout ce qui nous sépare
Malgré le temps
Malgré l’espace
Malgré les monts et les rivières
Malgré les obstacles innombrables
Je saurai bien trouver un jour
Le sentier qui mène à tes yeux
Le chemin qui mène à ta bouche
Et celui qui mène à ton coeur
Mais le temps s’enfuit sans relâche
Et glace mon sang peu à peu
Et avec terreur je vois l’heure
Où nous ne pourrons plus nous voir

Aussi tendre amie je t’en prie
Fais-moi goûter encore un peu
À la lumière de tes yeux
À la douceur de ton sourire
Et ma tête sur tes genoux
Je partirai vers d’autres cieux
Sans regrets pour de l’éphémère
Comblé par ton éternité

Jean-Claude Sestier©

    ***
Je ne t'ai pas...

Je ne t’ai pas cherchée
Pourtant tu m’as trouvé

Comment pouvais-je vivre avant
Sans te connaître
Toi mon dernier amour
Mon ultime soupir
Mon chant du cygne
Aimons-nous, jouissons de mes derniers instants

Ma voix trop faible hélas pour parvenir à toi
Veut crier mon amour
Veut hurler mon désir
Mais par-delà les monts
Par delà les rivières
Au-delà des frontières
Par-delà les étoiles
Mon cri n’est plus alors
Qu’un sourd gémissement

Jean-Claude Sestier©

    ***
Le mal de toi

Il neige dans mon coeur
Mais je n'ai pas le mal d'hiver
Le brouillard m'enveloppe
Mais je n'ai pas le mal d'automne
Il fait nuit dans mon coeur
Ce n'est pas un mal ordinaire

Qui fait pleuvoir mon coeur ?
Qui fait neiger mon âme ?
Le brouillard de novembre ?

C'est le mal de tes yeux
C'est le mal de ta bouche
C'est le mal de tes mains
C'est le mal de tes seins
C'est le mal de ton sexe
C'est le mal de ton corps
C'est le mal de ton coeur

Le Mal de ton absence

Oui j'ai le Mal de Toi

Jean-Claude Sestier©

    ***
Aimer...

Aimer te voir
Te voir pour t'aimer
Aimer te sentir
Te sentir et t'aimer
Apprendre à t'aimer
Apprendre à te sentir
Apprendre à te voir
Aimer te toucher
Te toucher pour t'aimer
Aimer t'embrasser
T'embrasser et t'aimer
Et t'aimer encore
Et t'aimer toujours
T'aimer à mourir

Aimer te câliner
Te câliner et t'aimer
Aimer te caresser
Te caresser pour t'aimer
Aimer t'entendre
Aimer t'étreindre
Aimer t'embraser
Et t'aimer encore plus
Aimer te voir
Et te revoir
Te revoir encore
Te voir et t'aimer
T'aimer souvent
T'aimer davantage
Aimer t'aimer

T'aimer encore
T'aimer toujours

Jean-Claude Sestier©

    ***
J'ai dit

J'ai dit à l'oiseau que je t'aime
Pour qu'il te porte mon message
Il est parti à tire d'ailes
Et je ne l'ai jamais revu...
Je l'ai dit au nuage
Et je l'ai dit au vent
Je l'ai dit à la mer
Je l'ai dit à la source
Je l'ai dit au ciel bleu
Je l'ai dit au tonnerre
Et aussi à la foudre
Je l'ai dit au soleil
Je l'ai dit à l'étoile
Je l'ai dit à la terre
Et aussi à la lune...

Et l'univers entier a murmuré je t'aime...

Jean-Claude Sestier©

    ***
I said

I said to the bird that I love you
So that he would take you my message
in a flurry of feathers
And he never came back
I shouted to the clouds
And I shouted to the wind
I shouted to the sea
I shouted to the source
I shouted to the sky
I shouted to the thunder
And also to the lightning
I shouted to the sun
I shouted to the stars
I shouted to the earth
And also to the moon

And the whole universe whispered I love you...

Jean-Claude Sestier ©

Poem translated by Pier de Lune©

    ***
Fusion

Emporté par le feu qui coule dans nos veines
Quand ton corps sous le mien s'enflamme
Et devient mien
Je crie
Tu cries
Ton nom
Mon nom
Et plus personne au monde
Ne peut nous arracher
À cette onde puissante
Qui nous prend
Qui nous tord
Qui te fond avec moi
Qui me fond avec toi.


Le plaisir a passé
La vague du désir.

Jean-Claude Sestier ©

    ***
Fusion

Led away by the fire running through our veins
when under mine your body ignites
bodies shouting
you and me
our names
yours and mine
nobody able to split us apart
embraced by this powerful wave
melting us in each other

Pleasure overpassing
the wave of desire

Jean-Claude Sestier ©

Poem translated by Pier de Lune©

    ***
l'Internationale - Ajout...un siècle plus tard

Ajout..un siècle plus tard de deux couplets à l'Internationale de Eugène Pottier (1871)

VII

La monarchie républicaine
Instaurée par des renégats
Profite à ces énergumènes
Et nous payons les dégâts.
Que les courtisans se déchirent,
Par suicide et meurtre au sérail,
Pointons les en ligne de mire
Et donnons leur du vrai travail!
(Au refrain)

VIII

Quoi de plus cruel que de croire
Toute une vie en des truands
Qui ne recherchent que des poires
Afin de les saigner à blanc!
Laisserons-nous tous ces vampires
Finir leur vie sans châtiment?
Ces bouffons ne nous font pas rire,
Le sang se lave par le sang!
(Au refrain)

Jean-Claude Sestier©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Seynhaeve, Catherine

Sur le sol de Tunisie

C'est un jeudi
Que j'ai atterri
sur le sol aride de Tunisie

Je transpirais déjà sous mes vêtements
Car le soleil et la chaleur étaient présents,
Grâce à une traversée d'un bout de pays
voilà ce que j'ai gardé dans mon esprit

Beaucoup d'enfants qui jouent pieds nus
Sur de grandes étendues de terre battue,
Tout est gardé ou échangé
Même les vieux pneus ou du métal cabossé.

Des vaches laissées à l'abandon
Qui se mettent sous un arbre à la belle saison,
Une femme assise sur une vieille charrette
Transportée par un cheval qui perd la tête.

La chaleur laisse des traces
Seuls quelques oliviers ne sont pas dans la mélasse
Mais le reste succombe à cette menace
Sauf les palmiers qui semblent bien tenaces.

A part la pauvreté et le ciel bleu
Rien ne m'a plus écarquillé les yeux
Que la pluie chaude du soir
Pourtant la-bas très rare

Mais çà valait le coup de la voir
Et de croire
Que le ciel était un arrosoir.

Se réveiller au souffle du vent,
Etre embaumée par le jasmin,
Ecouter les vagues et leurs chants,
Goûter au melon divin

Et voir ce petit coin de paradis,
Qu'est, en quelque sorte, la Tunisie
Je trouve cette partie de l'Afrique
Vraiment magnifique!

Catherine Seynhaeve© 13 ans (mars 2004)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Seze, Gilles de

L'Ankou et la Camarde

Je n'ai pas peur de l'Ankou ni d'la Camarde, qui vont bras dessus, bras dessous, mais quand les fleurs de cimetière ont grainé, quand ils m'ont fait signe de leurs doigts décharnés, je me suis fait porter pâle sous la Cafarde. Donne-moi les lèvres des Morts que je les baise tendrement. Donne-moi le Livre des Morts: Je voudrais en écrire la post face à des millions de rééditions futures.

Chapitre I

Londres s'éveille débraillé, protégé par ses dieux lares
Pulpe moite et muffins chauds, encens matinal du lard
Batangello quitte le lit de la femme, saveur d'amande,
De l'amant de
Sa femme.
Une première flamme
Dans le foyer tiédit l'oreiller
D'oeillets
Lumières crues aux balcons et rues citron, odeur d'urine du bacon
Et du thé.
Pâlit la luna luna dans l'eau claire de la Serpentine.
Moi, j'étais le fiancé de la pirate mais les fiancailles sont à l'eau maintenant.
Un bas bleu. Un autre jaune,
Comme les culottes bouffantes que portaient (à ce qu'on dit) les bouffonnes médiévales:
Joker de carte à jouer,
Bouée d'urgence gonflée de façon défectueuse:
Là maintenant, la tête dans l'eau,
Les jambes en l'air:
A girl like a boy in waters.
Nul autre que moi ne savait son nom, Ophélie? hi! hi!
Non: Adèle.
Mais elle est morte, Adèle ah! ah!
Ou bien portait-elle de ces noms de jarretelles qui faisaient pincer les lèvres de grand mère?
Sur la Serpentine, se défient pirates et corsaires
Les diables, à Leicester
Square achalandent le bon peuple et vantent les tours que l'on va faire.

A genoux, je prierai
Qui m'en empècherait?
Notre-Dame d'Auray...

Ombre dérangée,
Ombre descendue portée sur les roches jusqu'à l'ultime étoile.
Au-delà, Oblique loque, elle est là encore, sombre derrière cette lumière,
Je récuse cette ombre circonscrite.
O Suprême Clairon, plein de strideurs étranges,
Oméga, Oeil, ton rayon violet dans les profondeurs des terres brûlées!
Mort répandue le long des rocs,
Malheur déterminé révélé,
Malvenu sur la Mer de Sérénité...
Moment sanctionné,
Mesure ordonnée...
Balance finale, qui te jugera.
Rivière sans Retour vers l'estuaire de tes funérailles
Et sous ta croix,
Ac graffitis
Espoirs et caprices
Ennui après le choc
Effondré, le jour qui t'a vu né
Etre qui s'enfuit.
Silences traversés des Mondes et des Anges,
Symphonie de cymbales insonores,
Salamandre borgne entrée dans ta tombe pour te regarder, et t'étouffer encore de
Son baiser puissant!

Chapitre II

St Mary's Hospital.
L'ours course le touriste:
Tords-lui le cou, tords-lui le cou!
Et lui de s'encourir.
Et toi sur ton lit t'as l'air de quoi, triste Sire à écouter les mou-
Ettes?
Les sea gales
Si-gnalent
L'approche
Des roches
De la terre.
Si Sea gueule, fais-la taire!

Tombe la nuit
Elle hurle toute la nuit.
Qu'hurle -t elle?
Et who cares?

They wander
All the day long
And on night the same,
Along Praed street, and South wharf Road
Looking for admittance.

O Mary, have mercy
Let them come in!

A l'Hôpital St Louis, la revoici:
Comme le rossignol de Keats, c'est bien la même.
Toute la nuit
Elle appelle: Jean Aymar! Jean Aymar!
Son fils? Son amant?
Peut-être même son mari?

_Mare marre répondait l'écho...

Chapitre III

Fleurs jaunes et rouges,
Têtes et turbans
Luna lunæ lunam
Croissants de lune comme des sabres.

O Dieu!
Dans ce méli-mélo, l'Od
Yeux
Vir Gilles manquait d'air et d'Odes
Pour conter le carnage:
Champ de bataille couvert de nuques
Et de perruques,
Jardin de tulipes:
Lèche-t-y la lippe,

De Lady Di les lallations plutôt que dans
Un verre à dent.

Plus que d'Lili,
De Lola Dan,
Le hallali.

Et t'as le lit
Pour l'rentrer d'dans
Plutôt que dans
Les bras d'Adam.

Inconsolable de la mort de son fils qu'il croyait tué par le Minotaure,
Il se noya dans la mer.
Egée pleuré,
Egérie que nul autre que moi n'huma.

Sur les rives de la mer
De Marmara
Marmonnent des marmottes de mer.
A l'amer
S' amarra
Râma.
Ma morue
Comme l'appelait ma mère,
Mourut.
(Mort aux Rats)
"La servante au grand coeur" dont elle était jalouse,
Ma marmite comme l'appelait marraine.

Toi aussi tu mourras
Sur les rives de la mer
De Marmara

Mais ma mère se marra.

*"La servante au grand coeur" (citation de Baudelaire)

Chapitre IV

Pente
De laquelle le laboureur d'Holbein gravit la sente,

Rails,
Auxquels en dernière instance, ont cru, ou croient,
Encore, les hommes qui sont partis,
Les hommes à leurs propres funérailles,
Et sous les croix,
Ac graffitis.

Je suis Le souffle du vent
La perle de rosée qui brille sur la graine
Je suis
La Petite Ourse qui te fait de l'oeil
Je suis celle qui n'est pas partie quand la cloche a sonné.


J'aime le Cancer et son tropique,
Mais pas les malheureux cancéreux:
Leur barbe pique
Comme hérissons
Comme eux,
Ils sont
En voie de disparition.

Il y a bien longtemps
A Ménilmontant
A la marée montan
Te
De la fontaine Wallace, elle tua mon taon
Sur ma tem-
Pe

Le train de Douarnenez
M'a malmené.
Que personne ne me raille:
A jouer les passe murailles
Il fallut bien qu'il déraill...
Ah!

Lâche la ficelle
Que je parte
Vers la voie lact-
Ee.


Chez nous, il est coutume curieuse
J'en suis heureuse
(A vrai dire pas très)
Pourtant nul n'en démord:
Rendre visite le Jour des Morts
Ad patres.

Chapitre V

Cette nuit j'ai entendu des bruits furtifs
J'ai allumé.
Ils étaient tous là, l'air embarrassé.
Elle tenait un flacon à la main qu'on tenta de me cacher.
J'entrevis l'étiquette, peu éthique:
"Pour une vie étale:
LETHAL"


Grouillement d'asticots:
Le vir est dans la pomme et tu l'as pour ta.

Nanny momie
Dans sa tombe murmure: Mummy, mummy!
_Mais ta mummy, momie, comme la mer,
Aussi mummy que toi,
Est morte aussi, momie.

Dans la marre au Diable indigo,
S'inclinait tristement, indifférée,
délaçant lentement son collier,
la jument dans l'indifférence.
Tes cheveux me pleuvent
Les chevaux pleurent.

Sous le signe du Cancer
Le Grand Pan lui ferre
Un sabot de Denver
Qui enserre, incarcère
Son cerveau en enfer
Ac cadaver

Marina tha!
N'abuse pas de ma patience.
La Révélation:
_Ce n'est pas moi qui attend,
Mais tes yeux démunis.

Chacun sa chacune, chacune son coquin.
Et autres occupations,
Je ne sais quoi,
Presque rien.

Mes chers amis, quand mort serai-je,
Planquez une sole au cimetière...
Et sur ma tombe, gravez: "Dieu n'existe pas:
Je suis bien placé pour le savoir"

Dépouillé de mon âme
Par la poussière
Funéraire,
Je répands des soleils
Par les traces de mes yeux.


Ecoute, écoute...Au fond de ma poitrine
Comme il est long le feu
A s'éteindre.

Chut!
Ne réveillez pas. Ne réveillez pas
Le Temps qui dort.

Que se passe-t-il après la mort?
Ah ça! Ne soyez pas cachot-
Iers. Un méli-mélo,
un embilliglio?

Chapitre VI

Je m'en vais
Où je m'envase
L'un ou l'autre
Se dit ou se disent.

Il faut pour se lever, lever son cul.
Mais à présent
Mon Cul se meurt,
Mon Cul est mort.

On gueule en naissant
On gueule en mourant
Ca fait fuir les loups.

Notre ami AEgido
Maintenant, et pour l'éternité, fait dodo
Du sommier de la foi

Convives!
Vous êtes invités instamment à sortir du banquet de la vie,
Infortunés...

Quand j's'rai knock-out, est-ce que tu m'aimeras encore, dans cette petite mer
Où qu'y a l'cancer?

Voici venir l'immense chauve-souris comme une
Force pour ensanglanter la mer.
Ses yeux percent les tempêtes, sa voilure assombrit le jour.

What is the angels'gender?
— Elementary, my dear Watson, investigate: the Nurses.

C'est mon enterrement demain et je bats la campagne drelin drelin drelin
Drelin drelin...

St Mary's:
Mind the gap

Je suis en ligne...
Mais j'ai des problèmes avec le hameçon.
Ma mort commença plutôt bien,
Mais Dieu seul sait comment elle a fini

On trouve le temps long et lancinant,
Pourtant ça vaut mieux que haut et court.

Son AURÉOLE
est un AURA dont le dernier A
a demandé le renfort d'EOLE,
et puis s'est calté.

Next!: I? _Yes! u!_No doubt any longer, it's I.

Souviens-toi longtemps de ta vieillesse: Elle fut brève.

Et je me demandais pourquoi cette échelle dans ma tombe.

FIN

Ǽgideo© (Gilles de Sèze)

    ***
Maria comme tu étais triste

Maria comme tu étais triste
Quand je t'ai connue
Dans ton appartement de la Muette
Aux plafonds une longue liste
De coryphées et de solistes
Aidaient dans les aiguës ta gorge fluette


Tu chantonnais le grand air de Verdi
Sur un ton assourdi
A la fenêtre renversant sa calebasse
Le vent soutenait tes notes basses

Maria aussi belle quand s'éloignent les choristes
Bientôt ta voix s'éraille
Ton corps et ta
Vie déraillent

Maria comme nous fûmes tristes
Quand tu nous quittas.

Ǽgideo©

    ***
L’aeropage

Les vers en italiques sont de Robert Desnos

L’aeropage discute les huit prédicats de l'homonyme de Robert Desnos

Au bout du mole blanc les sirènes sont molles...
Choeur des coeurs:


Dont le Coryphée n'est autre
Que le Maestro
Ǽgideo
de Zze

(Cela s’écrit comme ça s’entend. Comme ça. Sentant étonnement les feuilles d’automne mortes au fond des bois. Mais couchées, Vivantes ! Et debout les Mortes ! Au premier appel elles accourent à la pelle les souvenirs et les regrets aussi. Ensuite tu sens en hiver ma senteur de vétiver, de safran au printemps de thé vert en été)

Cette tache blanche quelque part
Là-bas dans l’azur et le rien
Mer ou ciel on ne sait pas bien
Est-ce une mouette qui part?
Est-ce un bateau qui revient?
(Paul Claudel)

Le Je ne sais quoi et le Presque rien : c’est du Janky de soixante huit
Et la mouette, elle est partie, la mouette au long cours
Et ton bateau, Ulysse, revient
A son petit chez-soi, à son fidèle chienchien
Mais doucement, il prend son temps
Personne, Pénélope, même Lagardère, ne vient-a-toi.
T’attendras, t’attendras toujours
Son retour
Ǽgideo

Car à quoi sert un bateau dites, avec tous ses compartiments, avec toutes ses portes que l’on peut ouvrir et fermer Mais quel beau joujou !
(Paul Claudel)

Car à quoi
Te sert Claudel
Tel
Guillaume Tell
Ou le fameux basque Sancho Panchoa
D’ainsi caracoler dans les bois
Sur ta carne claudi-
Cante hondo quand
Il y a dans
Ton carquois
Tant de flèches de tous bois
Pour ces moulins narquois ?
Ǽgideo

Une bulle qui éclate
Lorsqu’elle arrive à la surface
Cette bulle qui éclate
C’est la nuit
(Raymond Queneau)

Au loin, de longs moles blancs ont germé
Voue-leur un choeur inouï
Vois comme l’oiseau fuit
En ban, qu’on a trop tôt fermé

Marnage, mariage de Minuit,
Entre col verts et thons,
Qu’en sais-on?
Voiles qu’effleure l’astre-qui-luit!

O le mimer! Quand la sirène s’alarme
Et que la Jeanne, s’affole
Dans la mer molle !
Ma mère l’Oie cendrée: Cassandre

(Car cendre
Et larme
Est la nuit),
Rends-nous l’aède inuit,

Pudique et tendre
Ramène,
O Errance, l’oiseau sirène,
Sans coeur, ni aile, ni queue ni tête, en tes poèmes humides,

Tout alanguis du gui des druides.
Ǽgideo©

    ***

II

Le corps des prunelles est le fruit de jouir
Goûtez les prunelles avant de mourir
Cent nageurs ont plongé dans le sang des prunelles
Cent nageurs ont péri du désir des cruelles, sens, nageurs, le sang des sans cervelles.


Et nulle chair havie au feu de pampres des terrasses a-t-elle plus haut porté le témoignage?
(Saint-John Perse)

-Dauphins et hommes âgés
Arrangés en rangées
Et tant de géants orangés!

Dans la magie des prunelles
-Cent tangueurs ont tagué les pampres des ruelles
-Cent nageurs ont nargué le nez des sans cervelles
-Cent plongeurs ont péri des passes des cruelles
Ǽgideo

    ***

III

Mes chants sont si peu méchants
Ils meurent avant d’atteindre les champs
Où les boeufs s’en vont léchant
Des astres désastres.


-Dévastés, en rangs de pelages opales
Ainsi vont les boeufs pales
Du Très Haut Chant des astres
A l’échafaud désastre

-Comme grime se
L’homme au nid meuh
Ainsi font font font les boeufs
A la queue leu leu

Et le même mime
Respectueux de la rime
Cheveux au vent,
Suit en rêvant,
Ǽgideo

    ***

IV

Les ponts s’effondrent tous
Au cri du paon qui pond
Et les pans de ponts
Transforment les rivières


A l’à peu près du paon
Susurre un hanneton

A l’a peu près d’un aulne
Poussent fiers des oignons

A l’a peu près d’un on
Passent bien trop de connes
(Raymond Queneau)

Sous les palétus
En guise de laitues
Que poussent tes lais tus !
De l’Aero
Indigne page, bêlante bicx
Queneau chantes-tu sans sourcilx
Lier
T'es fou à.
C’est d’ailleurs ce que nous allons faire
Loi d’airain croix de fer
Ton ode d’Assurancetourix va gâter l’élix-
Ire du druide Panoramix
Ce que tu nous chantes est idiot
Peu digne de figurer aux cotés d'AEgideo
Ni de Donnes
Dont ca ne sonne
Matines grasses, ni maigres, d'ailleurs.
Samarie m'aryen
C'est Goth, lilas tudesque,
Grotesque!
Lancant palet
Pas beau non plus, d'ailleurs
Ta maman comment elle t'a fait
Cheveux discobole,
Coupés en quatre.

Ce n’est pas le paon
Qui pond
A l’à peu près du pont,
De Peter Pan

C’est la paonne
En panne.
Qui pond

D’abord un oeuf

Puis comme la cane
De Jeanne
Elle en répand

Neuf

Sous le pont
De même vanne
Et des plumes, sous nom de.

Il ne faut pas s’étonner,

Des lors, si les rivières sont transformées.
Ǽgideo

    ***

V

Aimez-vous la paupière des seins?
.............
J’aime des desseins, non des seins,
J’aime les dents des dames,


Le soir au fond du long chemin des dames
Leurs dents,
Le carreleur
De leurres,
Les dame,

Cajole les pommes d'ambre.
Sous le corset d'airain,
La lanière, la lumière des reins,
Folle cabrade fière Sicambre,

Se cambre
Ǽgideo©

    ***

VI

Les mures sont mures le long des murs

Et des bouches bouchent nos yeux


"Certains fruits sont formés d'une agglomération de sphères qu'une goutte d'encre remplit.
Noirs, roses et kakis ensemble sur la grappe, ils offrent plutôt le spectacle d'une famille rogue à ses ages divers, qu'une tentation très vive a la cueillette.
Vu la disposition des pépins à la pulpe les oiseaux les apprécient peu, si peu de choses au fond leur reste quand du bec à l'anus ils en sont traversés
Mais le poète au cours de sa promenade professionnelle, en prend de la graine a raison:"Ainsi donc, se dit-il, réussissent en grand nombre les efforts patients d'une fleur"
(Francis Ponge)

Kaki, les mures? Ah! je ris
De les voir si belles, en battle-dress!
Pourquoi pas en Walkyries
Avec de blondes tresses?
Ǽgideo©

Et la brebis feutrée baise la terre au bas des murs de pollen noir
Et nous voici, contre la mort, sur les chemins d’acanthes noires de la mer écarlate
(Saint-John Perse)

Saintes Eponges, je vous préfère
Des seins des femmes la paupière
Violâtres comme colchiques au soir,
Leurs minois en ce miroir

Martins-pêcheurs, licols, mures,
Je ne vois que du bleu
Et quod de leurs bouche en feu?
Descends les murs de la Terre!

Voici des fleurs, des mures zé des mouches,
Et voici mon coeur, qui bat plus vite quand tu le touches
Mais toi, ne vois de bleu que l’Amer

Queneau
Voyons danser
Comme des pensées

Nous les aimons lémures
Telles nous les aimons les mures

Mouche bleue,
Bouche, ébrèche,
Descends
Le mur des yeux
Le mur des sens.
Ǽgideo©

    ***

VII

Ces pots de lait sont laids, je les abandonne aux faiseurs de lais.
Moi, j'aime l'épaule de la femme
Les pôles de l'affame
Et ses reins froids comme les cailloux du Rhin.


Excuse exquise de la Chine,
Qui l'homme affame,
Lit de banquises près du pole

La machinerie de l'écluse
M'amuse
Ecume de l'échine:
J'aime l'épaule
De la femme.

Le fourneau
Me neige
Peu me chaud
Pot de tilleul, chaudron beige;
Pèle momie et que n’ais-je
Poupée qui dise oui_ très haut,

Comme chez le raleur Verlan
Aux chants mes Vents,
Sont-ils assez émus mes maux
Dont le timon d’émaux

Sourit
(Ou risée) Souris
De mai! Nous affame
Ce morceau d’une épaule
chérie
Ǽgideo

    ***

VIII

Les porcs débarquent dans des ports
D’Amérique
Et de nos pores
S’enfuient les désirs.

Vos bouches mentent
Vos mensonges sentent la menthe,
Amantes!


D'une branche
De troène
La houle
Emmène
Une boule

Blanche

Froide "comme les cailloux du Rhin"

Je chante
L'amante
Sulamite à la menthe
Une espèce de mante
Religieuse et processionnaire
Sous sa mantille, charmante
Pensionnaire

Un dimanche.

Ǽgideo© (Gilles de Sèze)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Simarro Montané, Xavier

Breu biografia

Em dic Francesc Xavier Simarro Montané, tinc 44 anys, estic casat amb la Montse i tinc dues filles de 12 i 14 anys ( Anna i Meritxell
Treballo de mestre d'escola i soc especialista en educació especial. He estat Director durant dos cursos i Secretari altres dos, en escoles d'Esplugues de Llobregat i de Sant Boi.
Fa alguns anys que escric poesia i he estat també membre de l'equip d'autors ( responsable de la redacció i edició del text ) que va publicar el llibre: "CORNELLÀ, Bàsquet i Ciutat. 70 anys creixent junts" editat per Ediciones Gráficas Rey, S.L. 1a edició, Març 2001 que recull les activitats del Club Bàsquet Cornellà.
Francesc Xavier Simarro ha guanyat nombrosos premis de poesia

    ***
Reguitzel

Quina meravella, apropar-se a les formigues de tinta!
Deixar que pessigollegin la ment,
facin i desfacin el camí,
dels sentiments i les emocions.

Permetre que omplin,
el niu de la lectura,
amb brins de palla seca i eixuta;
on cremarà l'estupidesa,
dins les brases de la comprensió.

Francesc Xavier Simarro© 02-08-02

    ***
Suite de Vallirana

1r Moviment.

A la mama de la Manoli.
Propers sentinelles d'escorça
no baden moment.
Una absència els abraça.

Sols l'esquelet del seient trist,
xiscla en silenci,
oblidat en un racó del menjador.
Aquella mare,
dona i companya, senyor Pepe!
No surt a la terrassa,
ni mostra la vida
en ulls oberts, presoners,
eixordadors
des del moll de l'os.

Hàlit de saba,
sang calenta de persona ferida
per llamps de malaltia.

Avui l'aroma passeja,
vigilant els narius
a qui ensarrona.
Flaire de "migas".
Extrem de gust i companyonia!
Esmicolem la tristesa!

"Villa Antoñita", té perfum:
a converses de cuina,
amics que es troben,
figues que es despengen,
caliu de brasa!

Guspires d'abraços que van ser.
Núvols juganers al gat i a la rata.
Encenalls que tu alimentes, Senyor!
Guàrdia de persones en trànsit.
Habitem balcons a la vida eterna,
fràgils d'arrels!

Francesc Xavier Simarro© Vallirana (Barcelona) 26-08-02

    ***
Suite de Vallirana

2n Moviment.

El tic-tac bressola de fons,
amoroseix un matí gris.
Mandreja el sol,
a qui espio des del menjador.
Tem que li demanem
on és la baralla perduda?
Gresca inútil pidolar uns naips
dormits entre llençols.
M'estalvio el neguit matiner.
Cotons i boires sabran
quan volen fugir d'escena,
alçant el teló d'un nou dimarts!

L'erupció de la rosada,
omple de clapes la terrassa.
Desigs dels cotons.
Embarassos de la creació!
Xipolleja el matí,
de llàgrima en llàgrima.
Pintes del paviment.
Cutis de dalt
on m'emmirallo!

Francesc Xavier Simarro© Vallirana (Barcelona) 27-08-02

    ***
Suite de Vallirana

3r. Moviment.

El so del seny s'apropa,
s'obre pas entre els turons.
Acarona alumnes arrelats,
atents a les beceroles de Déu.

El curs s'escriu en pissarra de pins,
aula dormida de la vall.
Pietosos llençols de boira
no gosen molestar,
mentre la campana
recita el sil.labari.
Preludi
de simfonies manuscrites,
en faristols de mars i cingleres!

Francesc Xavier Simarro© Vallirana(Barcelona) 28-08-02

    ***
Rimbambelle

Version française de "Reguitzel"

Quelle merveille
s'approcher des fourmies d'encre!
Leur laisser chatouiller l'esprit,
faire et défaire le chemin
des sentiments et des émotions.

Leur permettre de remplir
le nid de la lecture
avec des brins de paille sèche et fanée;
où brûlera la stupidité.
dans les charbons ardents de la comprehénsion.

Traduit par Francesc Xavier Simarro©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Soleil de Mer

portrait de ma mère

De la fille que je suis, à la femme qu'est ma mère; son portrait hante mon bord de mer...

La mer étend vers moi ses bras.

L'ennui remonte et me caresse en se retirant, comme ta main sur mon front lorsque j'étais enfant. Ton rire cours à la surface de l'eau puis bondi en une brise rafraîchissante.
Parmi les gallets et les moules échouées, tes yeux gris fondent la trame de ma vie.

Une lame monte et j'entrevois ton sourire, tes hanches ondulantes et tes seins généreux.
Bouillonnante et vive, rien ne t'échappes, rien ne résiste à ton charme.

Dans ton sillage, mes soeurs et moi avons la lourdeur des cormorans.
Nous t'entourons, reproductions diluées, nous ne sommes que les cernes dans l'eau produits par ton éclat.

Dans l'énergie du ressac, je t'aperçois, sirène contrite dont l'anarchie dérive vers tes côtes.

D'être tellement femme est devenu trop lourd à porter.
Sur les rochers ronds où se désespèrent quelques algues, ta pauvre tête dénudée se désèche.
Le goémon dégage l'odeur du sang croûté de ta blessure.
Je panse avec tendresse cette absence d'épines.

La plainte d'un goéland à l'écho de tes gémissements, la rumeur de la houle et ton halètement, le flot se gonfle en un sommet, puis tu te brises en un fracas et tes larmes m'inondent.

Sous tes paupières enflées par la marée noire, le gris de tes prismes sombre. Laisse-moi te bercer, tu tangues.
L'horizon retient son souffle et tout est suspendu à la couleur de tes lèvres pâles.
Dans le remous du doute, l'écume dévale,
L'espoir est à l'étale.

Soleil de Mer©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Soleil Noir

L'intemporelle

Le vent en folie
La pluie en délire
Le ciel en furie
Et moi d'en rire
Et, pour me consoler,
Et, pour me consoler, je te blâmerai,

Soleil Noir©

    ***
Inversion

Losque le soleil devient Noir
Il faut changer l'Histoire

Losque l'ombre s'éclaircit
Regarder l'envers de la Vie

Faire le négatif d'une photo
Revoir le Monde d'en haut

Les couleurs s'inversent
Le Temps se renverse

Le rouge se mute en vert
Altérer l'Univers

L'orange se transforme en bleu
Au retour, tout va beaucoup mieux.

Soleil Noir©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Soris, Hélène


Je dédie ce poème à tous les poètes qui écrivent sur cette page (Alie)

Au fur et à mesure que les mots noirs
Se posaient sur la virginité de la feuille
Derrière le poète
Son ombre grandissait

Complicité de la plume assoiffée
Du coeur encrier
Qui s'allégeait de ses douleurs écrites
Qui palpitait de ses amours tracées;

Devant l'âme
Sur la table de chêne rongé
Dans l'eau du verre bleu
Aux lueurs de lampe
Se dessinaient les yeux...les fleurs.. La terre..

Et les gouttes de pluie sur la vitre d'en face
Étaient autant de larmes qu'il n'avait pas pleuré

Ailen©(Annecy France)

    ***
Le vieillard

Il est venu
De son enfance jusqu'ici
Il a marché
Longtemps
De pas d'abord petits
Maladroits hésitants

Puis
D'une jambe longue
En ignorant les pierres
Il a franchi
La vie
Le vent
La pluie
La soif

Un jour
son pas tremblait d'un bruit de souvenirs
Les saisons s'empilaient sur le chemin qui monte
Et son coeur s'essoufflait

Il s'assit un moment

Quand il s'est relevé
Son regard s'est troublé
Les pourquoi
surgissaient du creux de sa pensée

Il est venu
De son enfance jusqu'ici
Nous demander réponse
Le vieillard fatigué

Son âme est nue
Comme l'enfant qui naît

Ailen©(Annecy France)
                                                 ***
Haut de Page triangle

T., David

Une enfant rêve...

Clouée sur son fauteuil roulant, les jambes paralysées, elle semble s’être résignée, elle qui n’a jamais connu d’autre vie, et être plus ou moins heureuse dans cet internat / hôpital ruitelant.

Heureuse, bien que condamnée à une vie d’assistée.

Heureuse, bien que n’ayant jamais pu connaître l’ivresse simple, et pourtant si incroyable, si inimaginable pour qui en est privé, de pouvoir se tenir debout sur ses jambes, de pouvoir marcher, courir. De pouvoir vivre...

Heureuse, bien qu’incapable de manger, se doucher ou d’aller aux toilettes sans éducatrices pour l’assister.

Heureuse...

Mais, derrière son sourire un peu figé, un peu crispé, elle rêve...

Et, dans ses rêves, elle n’est plus cette momie, déjà oubliée du monde des vivants, emprisonnée dans un sarcophage de fer aux roues dérisoires.

Dans ses rêves, elle n’est plus cette invalide devant qui les autres, les « normaux », détournent le regard, l’air un peu géné, lorsqu’ils la croisent dans la rue en allant faire leur jogging dans leurs survêtements fluos.

Dans ses rêves, elle est un ange aux ailes immenses, un ange brillant s’envolant loin du sol jaloux pour aller étreindre le soleil souriant d’une amicale étreinte.

Dans ses rêves, elle est une déesse toute puissante, s’élevant loin dans les cieux, jusqu’à pouvoir contenir la Terre entière dans la perle de son regard limpide.

Dans ses rêves, elle est ce cheval magnifique qui galope la crinière aux vents, et elle sent alors chacun de ses muscles qui jouent merveilleusement sous la peau luisante de sueur, et elle sent alors la terre qui gronde sous le tonnerre infernal de ses sabots énormes, et elle sent alors le sang bouillonnant qui enflamme sa chair, et elle sent alors l’air glacial qui lui fouette violemment les tempes, essayant en vain de la retenir de ses doigts crochus, mais elle est bien trop rapide pour que le vent envieux puisse la rattraper...

Elle est alors libre, entière, heureuse enfin...

Mais ce n’est qu’un rêve...

Et ces posters de chevaux au galop, qui tapissent sa chambre d’internat à côté d’une photo de Léonardo di Caprio, ne font que raviver la douleur sourde de cette malédiction implacable qui l’a cloué au sol depuis aussi loin que ses souvenirs remontent.

Et ce dessin naïf punaisé au mur, tracé à grands coups de feutre grossier, ce dessin d’un cheval aux yeux énormes, immenses, des yeux contenant en eux toute sa douleur et toute sa révolte muette, ce dessin exprime en lettres de feu l’impuissance terrible de l’enfant, face à cette Gravité jalouse qui l’a enfermé dans ses chaînes invisibles, face à ce Destin maudit qui l’a exclue de la société des Hommes.

A-t-elle des frères, des soeurs, viennent-ils parfois lui rendre visite, en cet hôpital qui cache son nom sous des peintures colorées et des collages de bande dessinée?

Quand a-t-elle compris qu’elle était différente, affreusement différente des autres, quand a-t-elle su que les lois du hasard et de la génétique l’avaient condamnée à cette vie affreuse, cette vie inhumaine de poupée cassée?

Un prêtre est-il venu un jour lui expliquer que Dieu est Amour, que Dieu peut tout, mais que Ses voies sont impénétrables, Amen, loué soit Son nom?

Sûrement...

Peut-être va-t-elle régulièrement en pèlerinage à Lourdes, peut-être porte-t-elle en permanence une croix de Jérusalem, bénie et sanctifiée.

Sans doute...

Un évangéliste est-il venu lui expliquer que nous avons tous un ange personnel pour veiller sur nous, et qu’à chaque instant le Seigneur accomplit des miracles pour ceux qui croient réellement et sincèrement en lui, Alléluia?

J’espère que non, j’espère que personne n’a eu cette hypocrisie.

Etrange naïveté, étrange cruauté innocente que celle de ces croyants un peu rêveurs, un peu sectaires, intimement persuadés que le monde est un chemin de Roses pour qui croit suffisamment, intimement persuadés que Jésus veille personnellement sur eux, et que si Dieu n’a pas encore exaucé vos prières, c’est peut-être que votre Foi n’est pas assez forte, au fait, avez-vous pensé à faire une donation à notre aumônerie...

Mais, le soir, le bipeur d’alerte à portée de main, enfin seule dans son lit électrique d’hôpital, l’enfant dort...

Et, pendant quelques instants miséricordieux, elle oublie, et rêve...

Chut...

Ne la réveillez pas...

David T.©
Ecrit à l'issu d'un bénévolat à un séjour de vacances pour handicapés (Juillet 2001)

    ***
Illusions

Je me demande parfois ce qui se cache
Derrière ce fragile voile
Que nous osons nommer Réalité...

J’aimerais savoir ce que recouvre ce drap
Agité de frissons jeté devant nos sens,
J’aimerais passer à travers ses déchirures sanglantes
Pour agacer les étranges êtres qui parcourent librement son tissu élimé,
J’aimerais enlever ce bandeau qui recouvre mes yeux
Et m’empêche de voir enfin la brûlure du Soleil!

Mais mes yeux restent aveugles à son Illumination,
Moi qui ai l’orgueil de me croire vivant...

J’étends la main vers toi,
Et mes atomes remplis de vide tourbillonnent dans l’espace.
Je touche ta joue,
Et le Néant prend forme autour de toi...

Car la matière sur laquelle nous reposons si fortement
N’est rien d’autre qu’un peu de Néant enchaîné,
Et c’est elle qui nous façonne de ses poing de fer
Alors que nous croyons la dominer de nos appétits voraces!

Hélas, nos illusions sont dures à mourir,
Et nous continuons nos absurdes enfantillages,
Nous continuons à nous brûler avec nos machines puant la poudre,
Nous continuons à penser qu’une opinion vaut la peine de tuer,
Nous continuons à être tellement imbus de nous mêmes,
Tellement inconscients de notre taille microbienne
Dans un Univers qui nous ignore!

Nous qui vivons dans un flocon de neige
Que nous croyons créé pour nous,
Nous qui sommes intimement persuadés
Que jamais la neige ne fondra...

Oui, comme j’aimerais pouvoir briser les chaînes
De mes Amours et de mes Haines,
Comme j’aimerais pouvoir décrisper mes poings serrés,
Comme j’aimerais pouvoir m’envoler loin,
Libéré de la prison de mon esprit,
Porté par un souffle de vent rieur, sans pensées pour m’alourdir...

Mais il est des illusions trop douces pour ne pas être aimées,
Et j’aime trop ton doux regard pour pouvoir me passer
Du mirage de ta présence...

Alors viens,
Laisse moi poser mes lèvres sur ta bouche entrouverte,
Laisse moi caresser les courbes de ton corps frémissant,
Viens mêler tes Illusions aux miennes,
Viens ajouter une nouvelle épaisseur à cette toile ballottée par la tempête!

Et, qui sait, peut-être de nos Illusions réunies parviendrons-nous
A créer une nouvelle réalité,
A créer un nouveau monde...

David T.©
"écrit pour cette muse inconnue qui hante mon imaginaire" (août 2000)

    ***
Ô Toi mon Amour inconnu

Ô Toi mon Amour, Toi que j'aime tant sans savoir si tu existes ailleurs que dans mes rêves flous, comment te trouver?

Pour Toi je tuerais à mains nues,
pour Toi je ferais couler des ruisseaux de sang.

Pour Toi je m'ouvrirais les veines de mes dents nues en souriant de joie...

Mais existes-tu seulement?
A quelle nécromancie interdite devrai-je recourir pour te créer, toi qui n'existe que dans la substance de mes rêves, Toi qui ne semble être qu'un songe traversant mon cerveau malade?

Il y a en moi comme une masse noire, un amas coagulé de douleur et de larmes, de peur et de haine.

Une entité pesante qui, patiemment, sans yeux ni cerveau, attend son heure, attend de dévorer enfin ma pauvre Âme qu'elle sait lui être promise...

C'est un agrégat formé de matière trop noire pour pouvoir être vraiment humaine, trop noire pour ne pas mortellement blesser les yeux des impudents osant la contempler.

Elle luit faiblement en moi d'une lueur malsaine, et ses particules légères, emportées par les flots épais de mon sang rebelle, ont depuis longtemps irradié mon corps qui aime tant se torturer.

Et je suis gelé de sa terrible étreinte glaciale, glaciale de ce froid inhumain de l'Indifférence qu'elle répand doucement en moi, de ce froid bien pire que tous les enfers rougeoyants remplis de diablotins grimaçants imaginés par nos prêtres dans des accès d'imagination fiévreuse!

De ce froid qui régnait avant que le Créateur ne naisse pour nous rêver, de ce froid qui sera tout ce qui restera de l'Univers agonisant lorsque ses derniers soleils moribonds se seront éteints...

J'ai patiemment bâti autour de ce monstre issu de mes fantasmes et de mes cauchemars une fragile carapace, oh bien fragile en vérité!

Une carapace de nacre et d'ivoire, d'une blancheur bien trop pure pour être vraiment réelle, qui emprisonne maintenant en son sein cette perle maléfique dont mon Âme a accouchée en maudissant tous ces Dieux et ces Démons que je sais ne pas exister.

> Une couche bien menue d'espoir fragile contenant cette Chose qui attend patiemment son heure, une couche bien pathétique déjà fissurée par la routine de ces jours trop mornes qui se suivent et se ressemblent sans que je sache ailleurs que dans mes rêves si tu existes vraiment...

Car hélas je sais qu'il n'y a nulle Divinité aimante ou haineuse, nul ange ou chevalier de l'apocalypse dans ce cosmos indifférent qui nous entoure!

Car hélas je sais que nous sommes seuls, épouvantablement seuls face aux lois glacés de l'Entropie, dans un Univers trop immense pour que nous puissions vraiment y avoir notre place, nous qui jouons à nos petits jeux de pouvoir en nous croyant maîtres de ce qui n'est qu'un grain de sable, un grain de sable que nous tentons de stériliser de notre dérisoire science, un grain de sable que nous tentons de soumettre par notre fureur et nos poisons, un grain de sable que la mer attend patiemment d'emporter à la prochaine grande marée...

Un grain de sable si minuscule, si microscopique, mais qui contient pourtant en son sein tous nos rêves et toutes nos peurs si puériles...

Et je voudrais tant pouvoir me réfugier en ton coeur, tant pouvoir goûter le poids de tes pensées, tant pouvoir affronter avec toi cette solitude qui n'est pour moi qu'un Désert aride puisque tu n'es pas là!

Le soir, je erre entre les hautes tours d'acier et de verre de cette mégalopole de béton gris qui a oublié depuis si longtemps la saveur du parfum des roses, je erre, inconsolable, entre les vitrines clinquantes autour desquelles refluent les vagues de la foule bruyante.

Seul au milieu de la fourmilière affairée.

Seul parce que je ne T'ai pas...

Peut-être ne suis-je pas digne de Te rencontrer?

Peut-être qu'il me faut Te prouver ma valeur en allant terrasser les dragons de mon coeur?

J'ai essayé, sais-tu...

J'ai fréquenté ces salles où on t'apprend à frapper, ces dojos où on t'explique comment manier un couteau. Pour Toi je me suis rasé le crâne, pour Toi j'ai revêtu kimono froissé et gants de boxe durcis, pour Toi je me suis obligé à prendre coups sur coups, à m'endurcir, à considérer la douleur comme une amie fidèle.

Pour Toi j'ai voulu vendre mon Âme...

C'était il y a si longtemps!

Mais hélas ma Haine s'est éteinte, remplacée par un morne abattement qui, tel un lourd drap poussiéreux, étouffe lentement dans sa molle texture les cris de mon âme à vif, un morne abattement qui, telle une couverture pesante, veut éteindre la flamme vacillante de mes espoirs...

J'ai bien pensé à tuer et mon Âme et mon Corps pour en finir avec ce monstre qui me dévore depuis aussi loin que remonte mes souvenirs brumeux, mais ne serait-ce pas lâcheté?

Quitte à mourir, ne faut-il pas mourir en combattant? Mourir en brave, mourir en guerrier?

En guerrier...
Quel étrange fantasme...


Moi qui ai appris quel seul un guerrier pouvait conquérir le Coeur des Fées, moi qui sais que mes livres trop nombreux n'étaient que de pervers paradis artificiels, moi qui ai gravé en moi au fer rouge cette dure leçon, moi qui ai compris que seul le plus fort mérite de Te conquérir, Toi ma Reine, Toi ma Déesse, mais qui hésite devant le prix à payer...

Moi dont les machines sans rêves ont depuis longtemps englué l'Âme dans leur réseau calculateur sans grâce ni imagination, moi qui ne suis plus qu'un pion dans les complots chuchotés tout bas la nuit par ces entités au coeur de silicium, moi qui ne suis plus qu'un rouage dans cette organisme surdimensioné à surproduire et à surconsommer qu'est devenue l'Humanité mercantiliste.

Moi dont tous les rêves sont morts il y a si longtemps...

Ô Toi mon Amour inconnu,
Ô Toi la Fée adorée qui visite mes rêves sans laisser de traces,
Ô Toi la pensée qui me retient de glisser vers ce gouffre hurleur qui m'attire tant,
Ô Toi l'Espoir qui empêche la Bête tapie en moi de briser en hurlant sa fragile coquille peinturée de dessins naïfs issus de mon enfance si lointaine,
Ô Toi qui seule détient la clé capable de faire entrer la lumière dans ce vieux donjon fissuré aux murs bien trop épais qui réside en mon Coeur,
Ô Toi que j'aime d'un Amour impossible, d'un Amour qui ne peut être!

Est-ce qu'un jour je connaîtrai la couleur de Ton Karma scintillant,
est-ce qu'un jour tu me montreras le chemin qui mène à Ton coeur?
Est-ce que Ton sourire viendra m'illuminer avant que la Mort moqueuse ne vienne faucher mes derniers espoirs?

Ô Toi ma Fée, Ô Toi ma Muse, est-ce qu'un jour tu me laisseras T'aimer?

David T.©
"écrit pour cette muse inconnue qui hante mon imaginaire" (août 2000)

    ***
Trouble d'écume

dans le vent l'immensité solitaire
dans les voiles claquantes le tanguage du bateau
entre les vagues-falaises et le sourire de lune,
j'imagine une perle.

j'imagine une ombre, un songe,
j'imagine une chevelure longue, un rire clair
j'imagine un trouble, un battement
alors que glisse lentement ton regard, ta peine
alors que glisse ton corps dans l'écume glacée

dans le bateau qui file
sous les nuages sur le possible
entre les piliers de néant les colosses de nuit
dans la chambre de création le palais des dieux
en équilibre entre les profondeurs
les non-dits les peut-être

je t'imagine, petite sirène fée oubliée
perle lumineuse infante d'océan
ni enfant ni encore femme
pureté fragile, éphémère alors que déjà reprend le Temps
gémissement étouffé, caresse du large
ô toi mon passage ma fêlure

dans le bateau qui file, droit au centre au coeur
dans le réel sans retour la douleur de naissance
je t'imagine riant au vent,
yeux rougis écarquillés sur l'horizon
sel sur tes joues, goût amer de tes larmes...

David T.©

    ***
Perdu

un rêve de fée... désespoir violent

ô toi mon amour ma princesse que j'ai frôlé en songe
tu m'as abandonné sur rives du sommeil
je suis de nouveau seul alors que renait le jour

ô mon amour reviens, reviens!
pour toi je quitterai ce jour avec joie me bannirai de lumière
reviens-moi ma princesse mon aimée

combattons ensembles saignons mourons
mais ensembles
fondus l'un en l'autre, nous saisissant parfaitement

ô mon amour en ce songe nous avons combattu, fui
nous sommes morts aussi, morts en le combat et cette mort m'a éveillé
m'a fait de nouveau traverser le reflet m'a rendu au réel
mais je ne veux pas de ce réel
non je ne veux pas
je ne veux pas sans toi!
dois-je quitter de moi-meme ce monde qui ne m'est rien?
voguer vers la mort pour te retrouver enfin

ô ma princesse je me souviens
je tente de me souvenir de ton visage alors que vient l'éveil glacé
je ne veux pas m'éveiller
rester avec toi
ton visage ta douceur je me souviens maintenant

ô douleur
tu m'avais vu, consolé gentiment caressé le visage en plaisantant à mi-voix
et puis nous avons fui, combattu
fui les marcheurs d'ombre fui vers la bordure
mais les errants de jour nous ont rattrapés séparés

je me souviens maintenant
les reflets s'entremèlant comme en tout rêve
et moi courant à travers eux les traversant sautant de l'un à l'autre
et moi cherchant désespérement
cherchant à te rejoindre, tuer pour te délivrer être avec toi de nouveau
oui je me souviens ta douceur ton doigt sur ma chair
il me semble presque t'entendre, te sentir à nouveau
presque petite voix chuchotée
pression légère sur mon cou
ton doigt, de nouveau?
l'ombre de ton doigt, souvenir de ta présence?

ô ma princesse je frémis
est-ce toi qui m'appelle ainsi par-delà les brumes du réveil
alors que s'effacent peu à peu les voiles du songe
t'ai-je entendue t'ai-je imaginée
déjà le réel revient m'écrase de sa pesanteur
rêve ou réel, même souvenir même douleur

mon amour mon aimée
laisse-moi te rejoindre montre-moi la porte
les larmes me viennent veulent couler
tant de douleur tant de néant
un rêve
un simple rêve plus véritable que cette apparence
montre-moi le passage
ne me fais pas oublier ce chuchottement
était-ce toi ou bien simplement brume de reflet
ivresse de sens

te rejoindre
de nouveau la peur les errants
mais avec toi mon aimée
avec toi...

oh mon amour mon AMOUR je t'en prie
laisse-moi mourir avec toi
si le passage est oubli alors je suis prêt
oh oui lame de couteau reflet glacé
prêt à passer sans regret pour te retrouver
marcher dans la nuit sans regard en arrière
souriant, chantant même
tandis que dans le froid l'image sans ombre
je marche vers toi

mon amour ma princesse
ne me laisse pas seul
notre mort, ensemble
tout le réel dont j'ai besoin
cette contrée brutale
égoisme violence regards indifférents noyés de gris
non ne me laisse pas seul,
agonie en ce monde perdu de rêves...

David T.©

    ***
haleine de mer

l'haleine de la mer...
et ce vent doux, léger, venant de la côte...

dans la nuit, écoute de grande voile à la main...
sentir, deviner...
la nuit qui respire, la houle légère...

écume scintillante...

attente...

attente, espérance...
souffles retenus...

et ce vent,

bouffée soudaine de vent chaud,
qui tangue le bateau et te prend à la gueule...

David T.©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Sonia T.

Un peu de toi

à Simon H.

Tout ce que tu dis, je le dirai aussi
Les mots les plus fous, les plus insensés
Tout ce que tu veux, je le voudrai aussi,
La Lune, je te décrocherai.

Donne-moi seulement un peu de toi,
Juste un instant.
Y'a comme un feu qui brûle en moi, depuis toi.

Tout ce que tu gardes, je le garderai aussi,
Le premier baiser, la toute première fois.
Tout ce que tu aimes, je l'aimerai aussi.
Laisse-moi une place entre tes bras.

Donne-moi seulement un peu de ton temps,
Juste un moment.
Y'a comme un feu qui brûle en moi, depuis toi.

Tout ce que tu donnes, je le donnerai aussi
De l'amour, autant que de la tendresse
Tout ce que tu vis, je le vivrai aussi,
Le temps d'une promesse, la douceur d'une caresse.

Donne-moi seulement un peu de toi,
Juste un instant.
Y'a comme un feu qui brûle en moi, depuis toi.

Sonia T. (Québec,mai 98)

    ***

Quand tu oublieras mon nom,
Pour prononcer celui d'une autre,
Je perdrai, à coup sûr, mes illusions.
Et, pour me consoler, je te blâmerai,
En t'accusant de toutes les fautes.

Quand tes yeux me supplieront,
De te laisser partir,
Je n'aurai d'autres choix
Que de tenter l'évasion,
Vers de nouveaux désirs,
Sans quoi, je perdrai la raison.

Quand tu me feras savoir,
Par ton indifférence,
Qu'on a pris ma place dans ton regard,
Que je n'ai plus beaucoup d'importance,
À ton égard, je m'en irai alors,
Pour éviter ma mise à mort.

Sonia T.© (Québec, mai 98)

    ***
La Légende du p'tit poisson des chenaux

à mon père Daniel

La Légende du p'tit poisson des chenaux
J'me suis rendu au lac mon Joe
Le vent soufflait ben haut
J'ai perdu mon chapeau
J'ai pogné un p'tit poisson des chenaux
J'l'ai garoché dans mon bateau.
J'm'en suis retourné su'l bord de l'eau.
Pis là, tu m' croiras pas, mon p'tit Joe,
Mon p'tit poisson des chenaux
Y avait un oeil dans l'dos
Une langue de veau
Des yeux d'crapaud
J'ai fait'e un maudit saut!

Ben, cré-moé, cré-moé pas, mon Joe,
Mon p'tit poisson des chenaux
Quand j'ai voulu l'manger tout cru
Y a faite un saut d'cinq pieds et s'est écrié tout haut:
"J'suis pas bon, j'suis pollué
À cause des déchets déversés
Si tu m'manges, tu vas t'gratter
y'a des p'tits boutons qui vont t'pousser.
Ça va t'piquer pis tu vas l'regretter".

Faque là, tu peux m'croire, mon Joe,
Mon p'tit poisson des chenaux,
Je l'ai mis dans un casseau
Avec un p'tit peu d'eau.
Là, j'm' suis retourné chez nous,
J'y ai fait' une place dans un pot
Jusqu'à côté de la cage à oiseau.
Mais j'savais pas que mon p'tit oiseau
Y pouvait pogner des p'tits poissons dans l'eau.

Ben là, tu peux ben rire, mon Joe ;
me v'là rendu avec un oiseau des chenaux.

Sonia T.© (Québec,mai 98)
                                                 ***
Haut de Page triangle


Blade Apples

Aggie was like a mangrove tree
Legged into the reflecting pool
All black eyes and non cooperative tresses
"The old man will reveal himself to you soon"
curing bat wing nailed upon the door looked into her windows
gypsy moth alighting
hot paste of poke root will help you turn the corner
pods of black medic hang from the rafters
grimalkin died last February
shakes the brass candlestick
while I am in there bathing never getting clean
Oya with her blasting gelatin
anger coming back at me
little urchins in the yard
Setting traps with cords and blade apples
If you dig any closer to the grave
You'll be neutralized
hopefully the flesh has been entirely consumed
and there's a nice neat skeleton in there
If you bury near water, you bury deep
Rusty knives of the landlord come up in the flood
Why do the hawks sound so lonely today?
There are three of them, they should keep each other company
Its because the leaves die in the bowery
Alongside the green thumb that fed them
with fish blood and meal
card of several pentagrams in the umbra's cape
Shade Lady come out with me tonight
forked mother tongue
embrace me each way
"I'm healthy except for this" he said
The last time they saw him

Amy Trussell©

Poète de la Nouvelle-Orléans

    ***
Pommes Lame

Agnou était comme un manglier
Les pieds dans la mare miroitante
Toute yeux noirs et tresses rebelles
"Le petit vieux va venir te prendre"
aile bénéfique de chauve-souris clouée à la porte
regardait par ses fenêtres se poser la luciole
pâte truffée de racine d'épice forte t'aidera à passer ce mauvais cap
Oripeaux de noire médecine pendus aux chevrons
Raminagrobis mort en février dernier
secoue le chandelier de cuivre
quand je suis là-dedans à me baigner ne parvenant jamais à me nettoyer
Ova avec sa gélatine qui explose
la colère me reprend
les petits garnements dans la cour
Concoctent des pièges avec des cordons et des pommes lame
Si vous creusez plus près de la tombe
Vous serez neutralisé
heureusement la chaire a été entièrement décomposée
et il y a là dedans un gentil squelette tout propre
Si vous l'enterrez près de l'eau, enterrez-le profondément
Les couteaux rouillés du maître surgissent de l'eau remontante
Pourquoi les faucons paraissent-ils si solitaires aujourd'hui?
Il y en a trois d'entre eux, ils devraient se tenir compagnie
C'est parce que les feuilles meurent dans la ramée
Le long de leurs vertes mères qui les alimentaient
de poisson, sang et chaire
carte de plusieurs pentacles dans la cape de l'ombrage
La Dame de l'Ombre sort avec moi ce soir
Langue-mère fourchée
M'embrasse sur les deux joues
"Je suis en bonne santé excepté pour ceci" dit-il
La dernière fois qu'on le vit

Version française par
Gilles de Seze
                                                 ***
Haut de Page triangle

Turki, Elodia

espace creux

Si par hasard un jour
dans cet espace creux
    sans portes ni miroirs
tu pensais
    —elle a des lilas sur les yeux
comme on dirait
    — elle a du vert sur les lèvres
que saurais-tu de moi?

Masque dévisagé
visage où transparaître
    un regard meurtrière
flèche un présage

peut-être une ombre

Elodia©

    ***
L'Elle du doute

Ceint de brillants soleils
tu déchires - geste de soie
mes mains brodées

Tandis que notre histoire
— ont refleuri les roses —
dessine sur ma peau de grands escaliers

Par la bande je m'adresse à toi
pour que tu oses

et c'est dans le sommeil
que l'éveil nous impose
un oubli au goût de mémoire
-comme distraitement -
que le miroir défait

Peu à peu je t'invente
Parfois je ne suis rien
ou seulement un peu cette pensée qui parle
lorsque ma nudité à la tienne s'offrande

Et s'Il n'apparaissait
créé par moi à son image
quels yeux de lui me pleureraient?

Abandonnée toute croyance
ma peur aussi
terrible icône
à Dieu ressemblerait!

J'avance
sans jamais parvenir
à ta première plage
L'ocre effleure ta joue

Comme distraitement
racontant notre histoire
s'invente un paysage
te parle un chant d'espoir
que la vague reprend

En avant de l'orage
en désobéissance
une pierre a hurlé
que le sort soudain
lance!

Elodia©

    ***
Qui de moi se souvient

Avant nous le vent retenait l'aube
— grands silences glissants sur l'épaule du rire —


L'échec est suspendu
Déployé dans ses yeux le jour appelle l'Astre
Où es-tu homme nonchalant du grand soir?
Trois voyageurs pressés — trois étoiles m'ont visitée
L'ombre de Dieu frissonne

Livrée au pur vertige
vaguement sorcière
toute lettre tue
je me proclamais femme impaire
— tous épousant leurs limites —
pendant que je coulais hors de moi hors d'eux
scandaleuse et libre

Chatoiements de l'Orient
Reflets ensorcelants dans leur miroir de feu!

Je récidive
réinventant le jour comme un oiseau appelle l'aube

De couleurs d'ambre avance avec l'été
la soif du sable affolée
rose et grise
à mes pieds

Qui de moi se souvient encore?

Elodia©

    ***
Absence

Un chant de pierre et d'eau
De la voix des Muses me parvint la lumière
Rêve oublié de troublante mémoire:
J'avance — déesse funambule —
sur le fil tendu vers mon premier cri
De toutes parts les jeux sont ouverts
               attendant mon désir
Par d'autres que moi jetés les dés tournoient
               sans se poser
Il est encore temps pour tout!

L'envers de mes doigts sur ta caresse
relie mon souffle à ton souffle

Absence

Deux émotions contre un mystère
réinventaient les grèves

Sans connaissance aucune
sauvage comme un cri
de miroir en miroir je construis ma prière
Tout bouge sans bouger
Lèvres closes

Les miennes avaient chanté sous ton baiser

Etoile — pleine lunée —
Chant dénoué fluide et transparent murmure
j'opaline mes griffes
les yeux offerts au-delà d'eux-mêmes
sans limites
aux horizons fragiles des lendemains tremblent

Ils me croyaient possédée
— idole inversée aux chevilles claires
Moi
l'intolérable Muse

Si près de toi
mise à distance
Femme à tes mots abandonnée
inscrite
sur un seuil la tentation d'aimer
encore...

une première fois!

Elodia©

    ***
L'astre jaloux

Nul écho pour troubler son rêve
Mon corps parmi les ruines avançait
amour éperdu
Et vers lui — vers toi — les mots
comme autant de prières

Je ne sais d'où et pourtant là j'étais venue
Comment dire l'aimé merveilleux
par delà son absence?
Ce voyageur de parfums d'ombre revêtu
magicien des mots
assoiffé de ma soif
que les déserts habitent chantent!
Il traversait la nuit vieille — interrogeant la vague
uni au vent — à l'égarement de la flamme

Elle pense:
La barque au loin dérive...serait-ce mon amour?
— Viens vers moi
Rame contre mon courant
Ce mouvement de toi qui salue les nuages
Voici la beauté du monde!
— Écoute — me disait-il — le vin chante en mes yeux la
nuit de notre amour. Avant nous s'est levé le jour. Son
voile traînait sur le chemin du coeur —

Brun tel le vin était son front
L'astre jaloux pleurait qui s'était cru l'amant
Complice la brise interrogeait:
Comment étirer la nuit pour qu'elle nous contienne?

— Je ne suis — lui disais-je — ni serpent ni la rose
bouquet de doute et d'épuisements
la passion dans les doigts avant le temps des fleurs
La nuit ce soir a les yeux noirs
J'essaie de tenir mon exacte mesure
et dans mes mains de femme
quelque chose dit oui
comme on se jetterait dans le coeur d'une flamme
Mon amant dans ce fleuve où aveugle je rame
je suis émotion sur le fil d'une lame —

Elodia©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Valle, Dominique

Mais si tu parles des fleurs

Ton corps
penché vers la lumière
délite l'ombre
secrète un chemin
ce creux de l'air
où vivre

je n'ai de mains fortes
qu'en tissu de rêves
aux caresses
des heures promises

effacées du sillage

reste l'eau
toute l'eau
qui désaltère et noie

mais tu es coquillage
ventre

qui tient le chant

sait le monde

là-bas le bruit
est identique

âme qui perce
au corps d'enfant

le bruit de Dieu
en son absence

j'ai sur la nuit
la charge du voleur
de feu

je pêche des soleils noirs
qui me disent
l'éclat
à ce sanglot lourd
qui revient
bande mon corps
d'une ivresse stellaire

tu passes
fluide au soleil
sous l'arbre fou
qui verse son coeur
en pétales

tu te poses et t'allonges
sur ce lit
où le songe pense

à l'heure nue
de mon silence
tu me regardes

étrangère
tu ne dis rien
tu es là

    ***
Je marcherai

Je marcherai
j'irai dans ces jardins
où tu chantais
je chercherai la pierre
je serai le vent

dans le coeur des vierges
logerai les mots
qui te rassemblent

dans leur jupon
serai la mer
et la grève inconsolable

je rôderai
jusqu'à trouver ton pas
dans l'ombre des éclairs

sur ce ruban de lune
où le corps de l'étoile
est visible

j'attendrai

ivre des roses
dans le plain-chant

du sable

    ***
Fort est ce vent...

Fort est ce vent d'amour
sur la plage déserte
solitaire en son cri

un pas se dessine tache d'eau
tache d'huile sous lune engourdie

esquisse à peine composée
murmure d'ange
que vague efface

vois tous les pas sont debout
qui rythment le soleil

ton silence peut-être

l'univers est au pied du rocher
tourbillons de mousse et d'écume

ta lumière peut-être

    ***
Ile

I

Le rêve insulaire glisse paisible
l'âme claque au vent qui frise

Goutte d'eau sur le ponton
vêtue d'un reflet de lune

Douleur de l'envol
qui ne libère pas

Solitude
nue

II

Ile
délavée des grandes larmes
tige bleutée des rocs alignés

Abrupte
sous le ciel humain
des mornes paupières
doigts tendus vers

Elle
qui sait la résonance
de la pitié

Ile
étendue sur le cuir
des mots

Nue
pétrie de ma terre
jusqu'à jaillir

Toi
en cette usure
reconnaissable encore
affranchie de l'aube

Inattendue des plis
de ton ravissement

Silencieuse
ajustant mon sourire
au tien

Ile
lumière rapprochée
serrée par le cri
des limites

Etincelle primale

    ***
Prends ma belle

Prends ma belle


prends le temps
de graver ton rire
sur le ventre des pierres



dans l'épaisseur
du chant des dieux
qui oscille doucement
entre chêne et genêt

écoute

le souffle des voix
glisse dans le vent
des grandes landes

les ajoncs crépitants
s'accouplent
aux timides bruyères

et la nuit hurle
dans les roches
son brame d'amour

joue fillette
joue encore à la marelle
à monter au ciel

s'en viendront
les chevaux de l'infini
et nous irons un jour
plus loin que lumière
en cet avenir
où brûlaient nos étoiles

sur la bouche de Dieu
nous boirons à la source
et du fond des puits humains

jaillira la force

Dominique Valle©

    ***
La mariée du vent

Elle était là en perles de roses
la mariée du vent

dans l'aube claire
elle vibrait

elle était fille de Lumière
au levant des hautes tiges d'amour

toutes les voûtes savaient son chant
toutes les mousses buvaient son corps

elle était douce et tendre
la mariée du vent

et moi
moi qui l'habillais des yeux de la mer
je léchais le silence de ses doigts
qui sculptaient mon visage
je mirais sa tendresse
aux éclats du désir

ô viens viens mon amour
le coeur est propice
aux excès de l'espoir

ne laisse pas courir
le pleur de ces lunes blêmes
s'il assoiffe nos patiences

lève ton aile
lève ton aile!

elle était douce et tendre
la mariée du vent Dominique Valle©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Vallette, Jean

Au-delà du paraître

Vous,
si belles,

parées de bronze
de marbre
ou de jade

Au-delà du paraître
Vous êtes si belles, parées de bronze
ou de jade

Que c'est la nature qui vous rend
hommage

Visages effacés aux regards indécents
Bustes offerts à la main caressante
Corps élancés aux gémissements entendus
Hanches callipyges aux senteurs orientales
Courbes pleines au goût de fruit mûr

Je vous aime

Jean Vallette©

    ***

Il ne reste que la couleur et
de ce qui fut une réalité

Dans la pénombre de l'atelier
étoupes en main
le vieil homme au tablier de cuir
estompe le dessin
aux traits affirmés et détaillés
que les regards puritains
condamneront à l'opprobre
il patine, émousse, estompe
il ne reste que la couleur et l'illusion
de ce qui fut une réalité
pour devenir un rêve
.............
une estompe

Jean Vallette©

    ***

Naissance
D' un monde illuminé de blancheur,
naît l'Homme

Au berceau de l'humanité
Le temps a façonné, modelé, affiné
L'esthétique du corps

Non pas une souffrance, mais une délivrance, attendue
Courbes parfaites s'harmonisant à la pureté de la couleur

Jean Vallette©

                                                 ***
Haut de Page triangle

Vignale, Frédéric

La voix du silence

La voix du silence
telle que l'on se l'imagine,
sereine et mordorée,
comme le tissu de ta peau,
n'habille plus que les sons du passé.
Tu l'as brisée par ton absence.

J'ai plaisir à constater mon trouble
face à ce flot de désir d'un autre temps.

J'ai pour fidèle comparse,
un être qui parle aux saisons,
Un gadget de pacotille,
de bois, et de technologie minimale
J'apprends tout de lui sans rien lui donner,
Dans un rituel immuable,
Mathématique et sans faille
comme l'est notre amitié de circonstance.

N.B: Ce refrain lancinant est celui du vent frôlant la civilisation de plastique,
mon combat est vain comme celui du mot
sorti de son contexte linguistique.

J'écrirai un livre sans "peut-être"
Avec une dominante de bleu et de noir,
Un livre étrange et pathétique,
Aux allures séculaires...
J'écrirai contre le crépuscule
Qui s'acharne, contre toutes les attentes,
Je ferai allégeance avec le clair-obscur,
Le tout sera exécuté avec parcimonie et la discrétion nécessaire,
Pour ne pas endeuiller mon affaire
De méchantes critiques...

Je rendrai prolixe mon imaginaire.
- Au cas où... -

Frédéric Vignale©

    ***

Je vous écris de ma prison de lune...
où ma plume s'égare,
et me fait miroiter d'autres paysages
où la médisance n'a plus de visage

Je vous écris de mon présent
de brume, à la conjonction
de plusieurs épiphénomènes,
Le poème est, sans doute, le début
d'une réponse.

Dans le fond j'ai honte à avouer pourquoi!

Comme si par une audace bienveillante
et pleine d'acquiescement,
J'invitais la perle de pluie à partager mon modeste bol de fraises sauvages.
Et qu'elle accepte ce doux manège
Offrant à mes lèvres une bien étrange
délectation estivale.

Le poème, avec cette couleur d'éphémère
qui supplante les jours endeuillés de pages blanches,
me faire renaître à l'infini.

Aussi je préfère me fondre dans cette mare aqueuse de mots échoués,
Et me noyer dans l'oubli...

     Retenir mon souffle et ne plus respirer que les
     prémices de l'embellie du jour.

Frédéric Vignale©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Virallonga, Jordi

breu biografia

Jordi VIRALLONGA (Barcelona, 1955) es catedrático de Escuela Universitaria de literatura española en la Universidad de Barcelona y presidente del Aula de Poesía de Barcelona. Especialista en poesía contemporánea, publica regularmente artículos literarios, así como traducciones del italiano, del portugués, del francés y del catalán.

Algunas de sus obras poéticas son: Saberte (Ed. Laertes, Barcelona, 1981), Perímetro de un día (Ed. Laertes, Barcelona, 1986), El perfil de los pacíficos (Libertarias/Prodhufi, Madrid, 1996), Crónicas de Usura (Plaza&Janés, 2000), Los poemas de Turín (Lumen, 2001), y una antología de su obra Llevarte el día a casa (Ayuntamiento de Málaga, 2000).

    ***
Como un beso fugaz

Te puedo dar recuerdos y una casa blanca
para cuando lleguen las tormentas;
cosas de que hablar
cuando vuelvan tus amigos
o por si necesitas otra vida breve
que reconstruirte con las manos.

Puedo guardar tu sueño,
sacar las cartas y jugar contigo
o pensar que te has ido de viaje y me pediste
que regara las plantas y vigilara el piso;
todo menos permitirme bajar a la playa
esta tarde infinita de invierno.

Con un beso fugaz, como la muerte
al abrir el armario de las medicinas,
te fuiste con el frío al clarear,
mas lo cierto es que aquí donde te espero,
en este lugar donde habita
un modo insospechado de quererte,
nadie más respiró a tierra mojada, a cielo limpio,
a ríos e inviernos con fondos de arena;
a viento, y a mar y a viento
que todo se llevan.

de Crónicas de Usura,1995 Jordi Virallonga©

    ***
Desiderátum

Recházame si quieres,
por mis ojos adivinas
que esa ansia incontrolada de tenerte
no me ha hecho, como dicen, más maduro;
pero esa negativa infinita,
esa fuerza malgastada, nunca vuelve
ni da en cuerpo alguno:
se pierde así el agua entre los dientes,
como luz de una linterna al mediodía;
como una a sí mismo cuando ama.

Mas tampoco los dioses se ocuparon de ellos mismos:
crearon sin crearse,
hicieron sin hacernos, sin odio ni ternura,
pues ésta no se da entre los dioses;
la ternura, si hay suerte, te la encuentras
por las calles, los bares o algún día
en casa cuando crees que ya nada,
ni un niño ni la sal nos alimentan.

Por qué entonces no llegamos a un acuerdo:
yo admito haber sido un desgraciado
y tú sales de esa foto y me prestas
la risa de aquel martes y tu cuerpo;
y déjame tu muerte, mi animal herido,
y aquel cinismo indiferente, recuerda,
para tanta depresión que se avecina.

    ***

He ido a por palabraas al mercado

He ido a por palabras al mercado,
a que me digan: ¡hola rubio, míralo
qué guapo va! ¿has ido al peluquero?,
cuánto tiempo sin verte, ¿dónde estabas?,
¿y los niños?, habrán crecido mucho.
¿Y tu esposa, qué dice tu mujer,
ya te deja venir solo al mercado?
Si fuera yo no te quitaba ojo,
pero ojito lo que haces que la llamo.

Se murió, iba a decirle,
pero preferí comprarle huevos,
medio pollo y un conejo.
La vida sorprendentemente es dulce
cuando pasa en los cuentos, en la cama,
en el guiño de mis hijos al decirme que estoy feo
o en las noches que no cierran bruscamente la ventana.

    ***

He probado a huir

He probado a huir
y lo cierto es que ha dado resultado:
me permite ternura, riesgo ocasional,
no seguirte cruzando el comedor,
besarte en cualquier lado, en todas partes,
sentarme en las sillas sin ropa amontonada por planchar
y un poco de tiempo hasta que lleguen
los monstruos, los vencidos, tus fantasmas.

    ***

Como saliva de haber sido

Nos faltan brazos y palabras,
horizontales noches de las que sabemos poco todavía,
y saber que entre la muerte
y la prisa de la niebla al desvaírse
ha de quedar algún recuerdo consistente de haber sido.

Te escribo ahora porque sé que mañana
nunca acabaría todo esto
que se tiende sobre ti porque es saliva.

Observa la luz desde el balcón
y ve la niebla abatida en esta casa
donde entre sábanas prolongo la última palabra sabia:
tornavoz inútil de este punto donde habita
una fugaz febril memoria de amor y ceniza.

Jordi Virallonga©

    ***
brève briographie

Jordi VIRALLONGA (Barcelona, 1955) est professeur d’Ecole Universitaire de l’Université de Barcelone où il enseigne la littérature espagnole. Il est président de l’Aula de Poesia de Barcelona. Spécialiste de poésie contemporaine, il publie régulièrement des articles littéraires ainsi que des traductions de l’italien, du portugais, du français et du catalan. Certaines de ses oeuvres sont: Te savoir (Ed. Laertes, Barcelone, 1981), Périmètre d’un jour (Ed. Laertes, Barcelone, 1986), Le profil des pacifiques (Libertarias/Prodhufi, Madrid, 1996), Chroniques d’usure ((Plaza&Janés, 2000), Les poèmes de Turin (Lumen, 2001), et une anthologie se son oeuvre, Emporter le jour chez soi (Ayuntamiento de Málaga, 2000).

    ***
Comme un baiser fugace

Je peux te donner des souvenirs et une maison blanche
En attendant la venue des tempêtes;
Des choses pour en parler
Avec tes amis dès leur retour
Ou si tu as besoin d’une autre vie brève
À reconstruire à la force des mains.

Je peux garder ton rêve,
Sortir les cartes et jouer avec toi
Ou penser que tu es partie en voyage et que tu m’as demandé
D’arroser les plantes et de surveiller l’appartement;
Tout sauf me permettre de descendre à la plage
Cet après-midi infini d’hiver.

Avec un baiser fugace, comme la mort
En ouvrant l’armoire des médicaments,
Tu es partie dès l’aube avec le froid,
Mais vois-tu ici d’où je t’attends,
En cet endroit où habite
Une façon impensable de t’aimer,
Personne d’autre n’a senti la terre mouillée, le ciel limpide,
Les rivières et les hivers aux fonds de sable;
Le vent, et la mer et le vent
Qui emportent tout.

    ***
Desideratum

Refuse-moi si tu le souhaites,
Dans mes yeux tu devines
Que cette envie incontrôlable de toi
Ne m’a pas, comme on le dit, rendu plus mûr;
Mais cet infini refus,
Cette dépense de force, ne revient jamais
Ni ne trouve aucun corps:
Ainsi se perd l’eau entre les dents,
Comme la lumière d’une lanterne à midi;
Comme à soi-même celui qui aime.

Mais ni les dieux ne se sont occupés d’eux-mêmes:
Ils ont créé sans se créer,
Ils ont fait sans nous faire, sans haine ni tendresse,
Puisqu’elle n’est pas de mise entre les dieux;
La tendresse, avec un peu de chance, on la rencontre
Dans les rues, les bars ou alors un jour
Chez soi quand l’on croit que plus rien,
Ni un enfant ni le sel ne nous alimentent.

Alors pourquoi ne pas parvenir à un accord:
J’admets avoir été un pauvre type
Et toi tu sors de cette photo et tu me laisses
Le rire de ce mardi et ton corps;
Et laisse-moi ta mort, mon animal blessé,
Et ce cynisme indifférent, souviens-toi,
Pour cette grande dépression qui va venir.

    ***

Je suis allé chercher des mots au marché,
Pour qu’on me dise: bonjour beau blond,
Comme il est bien fichu! Tu es allé chez le coiffeur?,
Combien de temps sans te voir, où étais-tu?,
Et les enfants? Ils doivent être bien grands.
Et ton épouse, que dit-elle ta femme,
Elle te laisse venir seul au marché?
Si j’étais elle je ne te perdrais pas des yeux,
Mais gare à ce que tu fais ou je l’appelle.

Elle est morte, j’allais lui dire,
Mais j’ai préféré lui acheter des oeufs,
Un demi poulet et un lapin.
La vie est étonnamment douce
Quand tout passe comme si le temps ne passait pas
Comme il passe dans les contes, dans le lit,
Dans le clin d’oeil de mes enfants quand ils me disent que je suis laid
Ou dans les nuits qui ne ferment pas brusquement la fenêtre.

    ***

J’ai tenté de fuir,
Et j’y suis vraiment parvenu:
Cela me permet de la tendresse, du risque à certains moments,
Ne pas te suivre en traversant la salle à manger,
T’embrasser n’importe où, un peu partout,
M’asseoir sur les chaises vides de linge à repasser
Et un peu de temps jusqu’à l’arrivée
Des monstres, des vaincus, tes fantômes.

    ***

Comme salive d'avoir été

Il nous manque des bras et des mots,
Des nuits horizontales dont on
ne sait pratiquement rien,
Et savoir qu’entre la mort Et l’empressement du brouillard qui fuit
Il doit rester un souvenir ferme d’avoir été.

Je t’écris maintenant car je sais que demain
Jamais je ne pourrais terminer tout cela
Qui s’étend sur toi comme de la salive.

Observe la lumière du balcon
Et regarde le brouillard abattu dans cette maison
Où entre les draps je prolonge le dernier mot savant:
Abat-voix inutile de ce point où habite
Une fébrile mémoire fugace d’amour et de cendres.

Jordi Virallonga©

Présentation et traduction française: Ricard Ripoll i Villanueva©


                                                 ***
Haut de Page triangle

Zacharie de lzarra, Raphaël

L'univers de l'Éloquence

                              Le testament d'un éternel amoureux.

Amantes lointaines ou perdues, présentes et passées, je vous ai élues un jour pour vos coeurs pleins de grâce. Au fil des ans je me suis abreuvé à vos encriers, enivré du souffle de vos plumes, légères, riches, suaves, fortes, délicates et tendres. Et devant l'autel de vos mots, pieusement conservés, je me prosterne. Chers anges, vos plumes souveraines m'ont conduit au ciel. Sur vos ailes j'ai voyagé dans un monde à part, rêvant de liberté d’amour et d'absolu.

Et lorsque vous finissez par me dire adieu, lassées par mes rêves sans fin, je fais de vos noms une légende. Vos courriers sans prix, signés parfois de vos larmes, prennent du poids avec le temps: c’est l'or de mon âme mûrissante. Mon sort est de vous aimer sans répit. Vous toutes qui êtes déjà parties, vous êtes devenues des hôtes de lumière dans la demeure de mes chers souvenirs. Je vous le dis mes chères amies d’hier et de maintenant, parce que vous avez semé mon nom sur le chemin de vos jours, vous récoltez aujourd’hui l'hommage éternel d'un coeur à jamais épris. Et prêt à percer la tombe, comme le font les fleurs vives.

Je vous aime toutes.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Vous l'esseulée

Vous l'esseulée, vous le visage qu'on ne regarde jamais, les yeux qu'on ne croise pas, le coeur qu'on évite d'entendre, vous l'épouse de l'indifférence, vous la jeune fille que l'on dit sans grâce et sans attrait, et sur qui nul amant n'attarde son regard, sachez qu'un coeur bat pour vous ici.


Malgré, vous, malgré moi et malgré tout, je suis épris de votre pauvreté.

Les galants sur vous lèvent les yeux et passent, ne laissant ni fleurs ni compliments, et au bal votre bras demeure veuf, éconduit, tandis qu'on danse avec vos soeurs plus jolies, tout en leur clamant mille fadaises...

Mais si tous dédaignent vos traits modestes, vous l'indésirable créature, vous la fleur unique semblable à aucune autre, tous ignorent également vos dehors cachés de princesse, à travers vos larmes versées sans témoin, vos soupirs dédiés aux jours vides qui passent, votre coeur cloîtré dans l'ombre du monde et vos yeux depuis toujours baissés et mariés avec la poussière, à cause de ce poids de tristesse sur vos paupières.

Que vous êtes touchante, et tellement belle, quand vous vous révélez ainsi, si humble, le visage empreint de cette langueur de jeune fille impossible à voiler tout à fait: vous ressemblez à un ange en détresse. Votre secret renoncement m'attire de la même manière qu'une terre sévère et inculte, si austère que le silence n'est pas silence, mais prière émanant des pierres et des ronces.

Vous avez pour moi le charme sûr de l'authentique mélancolie, et votre coeur que l'on néglige tant est une délicatesse que je vous demande de m'offrir, parce que vos pleurs, pareils à une neige sur un paysage terne, donnent un prix à ces prunelles qui osent se poser sur moi aujourd'hui.

Discrète et pudique, simple et sage, sans toilette, ni ruban, ni soie, votre grâce invisible siège sur votre front nu. Et votre sourire de demain, qui me sera voué, formera votre unique et sobre parure.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Éloge et défense de la laideur

N.d.A.:Voici, fidèlement rapportés par mon imagination, quelques propos échangés entre une femme laide et son amant. (Raphaël Zacharie de lzarra)

—  Je me sais laide, et cette laideur est une offense à l'amour. Vous ne pouvez m'aimer. Votre regard doux sur moi me rend honteuse. Votre tendresse a quelque chose de malsain. Il n'est pas séant de se faire l'amant de la laideur. Vous choquez la morale, l'honnêteté, le ciel et tous ses anges. Vous me faites rougir, et j'ai envie de pleurer. Je suis laide, je le sais, vous le savez, et c'est un crime de m'aimer ainsi que vous le faites. Le monde est plein de filles jolies qui ne demandent qu'à être chantées, louées, honorées selon les lois ordinaires de l'amour, ne perdez donc pas votre temps et votre jeunesse avec celles qui, comme moi, ne méritent de recevoir aucune fleur de la Terre. Je suis laide, laide, laide, et je vous vous interdis de m'aimer! Cet amour que vous m'avouez m'est une douleur, une peine, non un bien. Ne m'aimez pas, laissez-moi en paix, seule avec ma laideur comme avant, seule comme je l'ai toujours été. Voilà mon sort, ma juste condition, la volonté du ciel et des hommes. Ne troublez pas l'ordre naturel des choses. Vous faites mal, lors même que vous croiriez bien faire.

—  Vous êtes laide et je vous aime. En esthète j'admire vos traits ingrats. Mon coeur a choisi pour battre, enfin, le paysage austère de votre visage. Lassé des molles merveilles qui ont fini par émousser sa sensibilité, il a élu votre tête déchue qui pleure aujourd'hui de se savoir aimée. Il s'est soudainement ému pour votre face sans éclat qui n'est qu'un désert de pierres, de roc, de cailloux. Et ce désert a séché votre regard, durci vos lèvres, tari vos sourires: votre visage est un mets bien amer, mais c'est pour moi un miel nouveau. Je goûte comme un Christ au vin âpre de la misère, et une étrange ivresse me gagne. Votre détresse est une croix qu'il m'est doux de porter. La pauvreté de votre visage a la saveur divine d'un exil dans la montagne rude et magnifique, froide et chaste, immense et silencieuse: je le contemple et je m'élève.

—  Vous êtes fou. Ma pauvre couronne ne mérite pas d'être si bien servie. Je ne suis que la reine des servantes, la princesse de la poussière, l'aimée des cailloux. Mon pouvoir ne s'étend point au-delà des ronces et des orties qui m'entourent. Je me sais si laide que je n'accepte de compliments que de la part des pierres. Elles sont muettes et leur éloquence me va toujours droit au coeur. Je sais qu'elles disent vrai. Tandis que vous, vous me dites des choses que je ne puis croire. Vous mentez. Allez plutôt rejoindre vos jolies donzelles, au moins elles vous croiront quand vous leur chanterez leurs grâces si sûres. Vous ne mentirez pas lorsque vous leur tiendrez galant discours. Je suis laide, oubliez-moi.

—  Vous êtes laide, et vos traits rendent votre coeur humble, fragile, sensible. Vous le briser est chose si aisée qu'il me faut prendre mille précautions pour le manier, de crainte de le blesser sans le vouloir. Vos soeurs plus jolies sont armées de cuirasses, et je n'ai pas besoin de tant de manières pour les convaincre de servir la cause amoureuse: vite conquises, elles ne laissent pas le temps au coeur de s'épancher comme il le faudrait. Sur quelques accords de musique, sur quelques pas de danse l'affaire est entendue. Et la chose est si commune à leurs yeux, que l'hyménée qui s' ensuit est vidé d'émoi. Pour ces filles jolies l'amour est une chose bien banale. On les séduit sans manière, sans dentelle ni beaux discours. On les aime avec des piètres sentiments qui s'évanouiront dès l'aube. Ce ne sont que des étoiles filantes. Elles ont l'éclat de la beauté, mais de racines point. Leur beauté leur confère une futilité toute particulière. Et s'il est vrai que les attraits ostensibles d'une vierge facile sont toujours flatteurs pour l'heureux amant qui les conquiert, il est également vrai que les fleurs les plus belles paraissent aussi les plus superficielles. Sachez donc que la vanité sied mieux à la beauté plutôt qu'à la modestie.

—  Ainsi je trouve grâce à vos yeux aujourd'hui, parce que je n'ai pas l'heur d'être de cette race des beautés radieuses que vantent tellement les hommes de votre espèce, ordinairement. Je veux bien croire à la ferveur de votre prière, au singulier émoi de votre coeur, puisque vous voulez tant que j'en sois convaincue. Je ne sais pourtant si votre galante dévotion est une insulte, ou un réel éloge. A moins que cela ne soit que pure folie, mon ami.

—  Croyez plutôt en la sincérité, l'honnêteté, l'humilité de mon coeur aimant. Et oubliez donc au nom de cet amour — si particulier j'en conviens—  les rigueurs de la simple raison. Je vous aime ainsi que vous êtes, parce que vous êtes ainsi.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Une déclaration amoureuse

Mercredi 2 février 2000

Marianne,

Vous vous flattez de mon humour chère amie, mais je crois que vous vous méprenez. Si j'ai l'âme en joie, je n'ai point le coeur à rire pour autant. La situation est bien trop grave. Vous me semblez bien excessive. Apaisez donc votre coeur à l'ombre de ces mots. Il convient de demeurer dignes et mesurés en semblable posture. Votre compagnon revient donc demain de l'hôpital? Soit. Vous feindrez l'honnêteté, la loyauté et la fidélité en sa présence. Mais dès qu'il aura le dos tourné, vous vous ferez un devoir de rendre hommage au souvenir de ma personne. Vous servirez avec zèle votre nouveau maître. Vous le louerez intérieurement, vous le chanterez, l'adorerez, tout en conservant des dehors sages, vertueux, honorables. Vous ferez cela pour moi Marianne. Quant à vos chers petits, mettez-les en pension, placez-les chez une méchante vieille, envoyez-les dans une école militaire ou que sais-je encore? Mais chassez-les de notre vie, car je n'aime pas les enfants.


Par ailleurs sachez donc que j'ai une si haute estime de ma digne personne, que je ne saurais souffrir une quelconque descendance, une espèce de prolongement de mon sang hors de moi-même. J'ai l'impérieux souci de l'unicité, de l'exclusivité. Pour ma gloire je veux demeurer Raphaël Zacharie de Izarra, et garder pour moi seul mes traits de caractère. Je n'ai nul besoin de me contempler à travers mes oeuvres pouponnières, un simple miroir renvoyant ma propre image me suffit amplement. Je ne me considère pas comme un vil reproducteur. Ma mission sur cette Terre est tout autre. Je suis là pour séduire et faire rêver les femmes. Et non pour les engrosser comme un goujat. Je ne suis point ce malotru qui ensemencera votre matrice. J'accepterai seulement de me frayer un passage entre vos flancs, mais sans les jamais féconder. Voilà la raison principale pour laquelle je n'aime pas les enfants. Ils personnifient la réalité de l'amour la plus prosaïque qui soit. Ce sont des tue —  l'amour par excellence. Les enfants sont, selon moi, des projections ratées des meilleures intentions de l'homme, des effets secondaires et regrettables des plus beaux élans d'amour charnel, le résultat indésirable des mâles hommages, les plus maladroits hélas! Les enfants sont des espèces de créatures monstrueuses dédiées aux coeurs médiocres, je veux parler de ces mauvais amants qui ne savent point aimer sans laisser derrière eux des larves vagissantes, des témoignages gluants et fripés de leurs ébats. Je crois que vous me comprendrez sans peine et que vous serez très facilement d'accord avec moi, Marianne. Et j'espère que vous arriverez bientôt à m'imiter dans cette démarche essentiellement esthétisante. Pour l'amour de l'Art, pour l'amour du Beau, pour l'amour de la Poésie, pour l'amour de moi enfin, renoncez à vos maternelles passions et vous gagnerez en liberté, insouciance et estime. Les muses vous seront reconnaissantes d'un choix qui ne peut être que souverainement beau. En retour, elles vous accorderont, j'en suis sûr, richesses matérielles, succès extraconjugaux et honneurs temporels. Faites le choix de la charnelle licence, des plaisirs de la table, de l'or, et reniez religion, devoirs moraux et sociaux, contraintes en tous genres, disciplines austères, horaires de travail, et vivez dans la mollesse, le désordre et le vice. Laissez-vous aller à vos plus faciles penchants. Bref, choisissez de vivre dans la dépravation la plus totale. Voilà la véritable sagesse en cette Terre. Nous ne sommes pas des anges, aussi vivons comme des hommes que nous sommes.

Quant à votre compagnon, ne vous embarrassez pas de vains scrupules: il est souffreteux, incapable d'ouvrir les yeux sur la réalité de notre commerce scandaleux, et je suis sûr qu'il vous fait aveuglément confiance en toutes circonstances... A la moindre occasion vous n'aurez qu'à profiter de sa faiblesse: par exemple vous lui fausserez compagnie durant ses crises de fièvre pour venir me rejoindre. Vous le laisserez délirer seul, et à votre retour vous lui ferez croire que vous aurez passé tout ce temps à son chevet. Il mettra sur le compte de son délire cette absence, que vous aurez soin de nier farouchement pour plus de vraisemblance. Mettons donc à profit cet heureux concours de circonstances Marianne! A n'en point douter le Ciel nous vient en aide. Votre compagnon que la maladie aliène deviendra la risée de notre hyménée. Quelle ironie! Ha! Combien l'amour est plus savoureux lorsque le sort y déverse ainsi un peu de sel! Constatez ici qu'un rien peut faire notre bonheur.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Une lettre odieuse

Christine,

Soit. Vous n'êtes donc point capable d'aimer dans la clarté d'un coeur plein d'innocence. Il vous faut intriguer méchamment pour satisfaire votre besoin de déplaire. Comme si votre physique peu flatteur n'y pouvait pas suffire à lui seul, il vous faut encore jouer les acariâtres rosières pour me mieux souffleter! Souffrez donc, triste pucelle, que votre première gifle reçue fut celle de votre sinistre mine le jour où j'en pris visuellement connaissance. Magistrale et sans appel, cette gifle-là m'a marqué pour toujours. J'en porte encore les stigmates: votre nom me fait horreur. Il me fait songer à la négation de l'amour, et à toute la misère qui s'en rapporte.

Je ne vous aime pas Christine. Je me gausse de vous, je ris de votre infortune qui me rappelle tant ma félicité, par contraste. Oui, je me moque. Je foule d'un pied hautain votre coeur misérable de fille misérable. Je crache avec dédain sur votre front d'amante déchue qui n'a pas eu l'heur de me plaire, moi qui ne cherche en vérité que l'assouvissement de mes plus vils instincts de débauché. Vous aviez cru à la tendresse de mon coeur en votre direction, Mademoiselle. Détrompez-vous dès aujourd'hui. Je ne convoitais en fait que votre pauvre hymen. Je n'étais en quête que d'un vil et passager émoi charnel. Je ne cherchais qu'une sombre ivresse entre vos flancs. Et par la suite, à défaut d'accéder à votre alcôve, avec calcul j'ai cherché à atteindre votre âme de vierge à travers mes lettres d'amour. Pour déflorer votre coeur, par dépit de n'avoir pas pu déchirer votre hymen.

Je ne vous aime pas. Vous n'êtes qu'une pauvre dupe, un jouet entre mes mains, une poupée de chiffon malléable, un pantin que je puis casser selon mon gré. Souffrez donc tout votre soûl, pitoyable chose que vous êtes! Je ne serai pas là pour récolter vos sanglots stériles.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              ***

Marianne,

Qu'expire aujourd'hui votre coeur éploré: je viens de vous voler votre unique amant. Mais vous n'en vouliez pas vraiment, je crois? Vous lui avez craché au visage, vous avez bafoué l'amour sincère qu'il vous portait, vous vouliez abuser des vrais sentiments qu'il éprouvait pour vous, vous vouliez jouer avec lui, pour le mieux piéger ensuite dans son propre jeu alors qu'il n'y voyait déjà plus rien, aveuglé par les sentiments réels nés dans la foulée. Vous avez manqué de discernement Marianne: ses sentiments si purs avaient pris le pas sur le simple jeu...
Ce rêveur, cet idéaliste, ce "déséquilibré", cet énergumène croisé un jour dans une maison de campagne, puisque vous le négligez et le manipulez de manière si éhontée, il est pour moi. Il m'intéresse beaucoup ce jeune garçon...

Je suis votre plus grande rivale Marianne. Je ne rends jamais ceux que je prends, sachez-le bien. Je suis la plus belle de toutes les amantes, et aucun jouvenceau ne sait me résister dès lors que se pose sur lui mon regard d'amoureuse, tant mes yeux noirs et mon sourire éclatant fascinent...

Raphaël ne songe plus à vous, il est à moi désormais. Il vous a oublié, croyez-moi. Je suis la plus belle, la plus amoureuse, la plus souveraine Amante vous dis-je! Plus ils sont jeunes et inconscients, plus ils me rendent hommage. L'amour que je voue à cette jeunesse est éternel, sans fin, sans faille.

Ce matin j'ai posé mes lèvres sur celles de votre amant dédaigné, moqué, et mon baiser a scellé à jamais notre union. J'ai emporté, bien serré contre mon coeur, ce nouvel amant à la peau si douce. Dieu! Qu'il était blême ce visage qui me regardait en face... Qu'il était émouvant ce regard fixe, figé, pétrifié par le Grand Amour qui venait le chercher au bord du lit! C'est ainsi que je les préfère mes amants. Sachez que j'ai passé la main sur le visage de votre Raphaël, et à cette première caresse se sont closes ses paupières. Désormais il m'appartient corps et âme.

Je suis venue vous témoigner cet amour fou entre moi et Raphaël. Nous nous sommes unis dans une infernale volupté, Marianne. Une étrange volupté faite de larmes et de soupirs, d'effroi et d'abandon. Soyez donc jalouse à mourir parce que je l'ai possédé de la tête aux pieds. J'ai promené mes baisers partout le long de sa chair rigide, mes caresses ont exploré le fond de ses entrailles pacifiées, et ma voix caverneuse a bercé son coeur vidé de chaleur. Il faut vous dire Marianne que je ne nourris mon coeur que des plats froids de l'amour. Mon royaume est de glace, ma terre est d'ombre, et mon lit est, vous l'aurez déjà deviné, de marbre. Vous n'ignorez plus qui je suis à présent.

Votre ancien courtisan est à moi aujourd'hui. A moi, et à moi seule. Je l'aime, et je le tiens bien contre moi, mes bras serrés autour de son corps inerte, plus fortement que si c'était des bras d'acier, et je ne vous le rendrai jamais.

Jamais.

Signé: votre belle et puissante rivale, Madame la MORT.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Dialogue ultime

—  Suis-moi Raphaël, à présent tu as atteint l'âge. Ton heure est venue.

—  Madame, voyez comme je suis jeune. Mon front n'est pas ridé encore, les femmes n'ont pas épuisé mes ardeurs et mon coeur est assez alerte pour aimer au moins cent ans. Mon heure n'est pas venue, non. Passez votre chemin, vous feriez mieux. Il y en a assez parmi tous les déshérités qui vous supplient de les emporter. Laissez les autres vivre en paix.

—  Ta vie m'appartient Raphaël. Tu es jeune dis-tu, pourtant ton coeur a assez aimé, il me semble. Assez pour avoir voulu mourir d'ailleurs, t'en souviens-tu? Il n'y a pas si longtemps. Tu ne pourras plus aimer comme tu l'as fait. L'amour est un poison pour toi: à petite dose il te tue peu à peu, il te détruit insidieusement parce qu'il te déçoit. A forte dose il te terrasse, il te pousse à toutes les folies. Et tu m'appelles. Tu m'appelles quand il est indolent, imperceptible et insipide, et tu m'appelles quand il est violent, fiévreux, sanglant. Si l'amour est fait pour la vie, alors tu n'es pas fait pour l'amour. Et si la vie est faite pour l'amour, tu n'es pas non plus fait pour la vie. Tu ne sais pas plus aimer que vivre: tu ne fais que perdre ton temps. Ton oisiveté est la preuve de ton inutilité. Viens, tu es à moi, je suis ta fiancée. Tu pourras m'aimer selon les lois si austères de ton coeur. Et je saurais t'aimer de ce semblable amour, moi. Sois-en persuadé.

—  Madame, vous êtes vieille et laide, votre voix est rauque, vos appas sont flétris, votre sourire est fané, vous n'avez rien pour séduire un jeune garçon comme moi. Si vous me désirez si fort, moi je ne veux certainement pas de vous.

—  Raphaël, tu aimes d'un amour morbide. Et tu appelles cela le romantisme, la poésie, le romanesque... Tu aimes la mort, le sang, la souffrance, la beauté de la laideur. Tu te dis toi-même esthète de ces choses si âpres. Je suis donc faite pour toi. Suis-moi et aime-moi, toi qui aime toutes ces noirceurs tu ne seras pas déçu, crois-moi.

—  La vieille, je ne vous aime pas. Votre visage est tout de hideur, vos mains ne sont guère mieux, et ce que vous tenez entre celles-ci me fait horreur, me répugne, m'épouvante. Vous voulez vous unir à moi dans une étreinte abjecte, mais j'ai assez de force pour vous repousser. Que pouvez-vous contre moi? Je suis jeune et vigoureux, et je ne vous laisserai pas m'emporter dans votre lit de marbre! Je n'hésiterai pas à vous rudoyer comme un ivrogne, à vous jeter comme un chien galeux, à vous brusquer sans aucun ménagement si vous vous approchez de moi.

—  Raphaël, mon visage te plaît: c'est le visage blême, blafard, livide, exsangue du romantisme ultime que tu as tant chanté à tes amantes. Tu aimes mes yeux. Ce regard noir et sans fond qui fixe le néant te charme, je le sais. Tu aspires à la caresse froide et osseuse de mes mains décharnées. Ma voix caverneuse est une berceuse pour ton coeur glauque. Tu m'aimes en réalité, alors que tu voudrais tant te le cacher à toi-même. Mais il est trop tard Raphaël, tu m'as appelée et je suis venue. A présent prends-moi la main, n'aie pas peur. C'est aujourd'hui que la grande rencontre devait arriver. Nous allons nous aimer toi et moi. Pour l'éternité.

—  Madame, votre amour sans fin est un amour pour désespérés et je n'en suis pas à ce point. Je ne prendrais pas votre main. Je ne veux pas me fiancer avec une si éternelle amante. Vous ne me séduisez pas, n'approchez pas de moi. Allez-vous-en, partez, oubliez-moi.

—  Raphaël, tu ne veux pas de moi et pourtant je te veux, moi. Aujourd'hui est un jour de fête pour moi. Cela fait longtemps que je t'aime en secret. Je sais qu'aujourd'hui nous allons nous unir toi et moi. Allons, prends-moi la main. Et laisse-moi t'embrasser, mon amant. Parce que je t'aime. Je t'aime. Et tu sais combien je t'aime, n'est ce pas?

—  A en mourir, je sais.

—  A en mourir, bien sûr.

—  Vous ne m'embrasserez pas, la sorcière.

—  Raphaël, déjà mon baiser sur ton front s'est posé. Tu m'appartiens depuis ce jour. Je vais donc te prendre la main, et tu me suivras. Puis je baiserai tes lèvres. Alors tu m'appartiendras totalement, parfaitement, infiniment. Ainsi sont les choses.

—  Et depuis quand avez-vous baisé mon front, vieille hideuse?

—  Depuis le jour où tu as mêlé ton sang avec ta dernière amante, Raphaël. Cette tache de sang égarée sur ton front, c'était ma signature: le baiser de la MORT.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Vous m'avez tué.

Mon cadavre étendu sur les dalles froides de la cathédrale s'est déjà vidé de sa chaleur. La lame assassine gît non loin de mon corps. Mes yeux ouverts et inexpressifs fixent les voûtes plongées dans la pénombre. Il s'agit bien de mon cadavre. Ce sont bien mes yeux qui sont ouverts sur le néant, c'est bien mon sang qui tache mon flanc, c'est bien ma plaie qui bée. Vous m'avez tué, oui.

Vous avez plongé la lame profondément dans mon corps, et mon coeur déchiré s'est tu pour toujours. Jamais plus il ne battra. Vous m'avez tué. Je suis mort. Je n'existe plus.

Que vous reste-t-il, meurtrière que vous êtes? Que vous reste-t-il à aimer à présent que je suis mort, à présent que vous avez tué le cher objet de votre amour?

Je vous ai tendu l'arme dans un ultime geste de provocation et vous avez été jusqu'au bout de votre logique. La lame du poignard a servi votre cause désespérée et me voilà donc mort. Jamais plus je ne vous dirai des mots d'amour Marianne. Il ne vous reste plus rien que des souvenirs.

Alors, criminelle passionnée, vous commettez l'odieux blasphème, au nom de l'amour. Vous vous approchez de mon corps, de mon cadavre, de ma dépouille, de ce macchabée déjà froid qui me ressemble tellement... Mes lèvres bleuies par le masque glacial de la MORT sont rigides. Vous approchez votre visage de mon visage de pierre. Pas un souffle ne sort de ma bouche. Vous approchez encore...

Vos lèvres chaudes effleurent mes lèvres mortes.

Puis imperceptiblement elles se referment sur ma bouche à jamais close. Vous venez de m'embrasser. Vous venez de voler un baiser à un mort, ce mort qui de son vivant n'avait jamais voulu, par scrupule, par honnêteté, par loyauté, vous accorder ce baiser.

Et j'emporte la caresse de vos lèvres dans la tombe.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Une visite à la morgue

Ca y est, maintenant tu es mort Raphaël. Bel et bien mort, et plutôt deux fois qu'une. Regarde-toi une dernière fois, ou plutôt regarde ton cadavre pour la première fois. Il est là, sous toi. Tu as vu, c'est le tien, c'est ton cadavre. Et il est déjà froid. Tu es mort Raphaël.

Regarde, tes yeux sont clos pour l'éternité. Ton visage impassible, bientôt voué à la poussière, est le visage d'un mort. De la Mort aussi. Sur tes lèvres muettes on dirait un sourire. Mais non, c'est le rictus de la mort. Tu n'es plus, ta dépouille est étendue. Tu es devenu un gisant. Et comme tous les gisants, la terre sera ton lit de mort. Tu es comme un roi aussi. Comme eux tu gis, pauvre mortel que tu es... C'est vrai que tous les cadavres sont égaux. Es-tu heureux? Regarde ta bien aimée qui se penche sur ton visage sans vie, elle fixe tes yeux morts. Elle s'imagine peut-être que tu vas les ouvrir juste pour elle... Mais non, tu ne bouges pas, tu n'es plus qu'un cadavre.

Tu es devenu un mort maintenant, tu es content? Tu vas être célèbre un jour durant. Ce sera ton heure de gloire en somme. Ils seront tous là pour toi. Tes amantes te pleureront. On regardera ce macchabée qui porte le nom de Raphaël, et on le chérira mieux que le corps d'un vivant. Tu seras touché une dernière fois par des mains de femmes. Témoins de tes amours révolues ou en cours, ces maîtresses d'un jour ou d'une éternité te rendront hommage. Évidemment ta mie officielle sera aux premières loges. Elle sera l'invitée d'honneur en quelque sorte.

Mais pour l'instant tu es dans la chambre froide. On va préparer ton cadavre pour les noces: tu viens de te marier avec la Camarde. Pas très jolie ni toute jeune ta dernière amante, il faut le reconnaître. Ca ne sera pas ta plus glorieuse conquête, c'est vrai. Mais tu n'as pas le choix Raphaël. Il faudra désormais partager ta couche avec cette éternelle ricaneuse, piètre épouse pour les plaisirs mais infiniment fidèle envers ses élus: elle n'abandonne jamais ceux qu'elle prend dans ses bras. Au moins tu ne pourras pas te plaindre qu'elle te dise adieu un jour. Avec elle c'est pour toujours.

Sens-tu la main de ta chère éplorée sur ton corps inerte? Non bien sûr, mais tu la vois d'ici. Elle devait t'aimer beaucoup pour ainsi baiser ta chair froide. Les lieux sont plutôt sinistres pour ce genre de débordement amoureux... En retour tu lui témoignes d'ailleurs toute ta froideur. C'est dire la mesure de ton flegme. Jusqu'au bout tu auras été un imperturbable amant. Aristocrate, hautain, plein de morgue. Mais attachant.

Ta vie est maintenant terminée Raphaël. Ton cadavre est bien rangé dans le tiroir blanc de la morgue, aligné comme un soldat. Tu as presque fière allure dans ton irréprochable rigidité. D'ailleurs ton costume te va à ravir : il n'y a pas un pli. Pour une fois tu es élégant: tu te tiens bien. Ta fiancée te regarde dans la fraîcheur de ta mort. Tu as encore bonne mine. Mais elle te reverra aux funérailles. Espérons que tu feras aussi bonne figure.

Une main vient de pousser le tiroir frigorifique.

On ferme!

Raphaël Zacharie de lzarraa©(29 mai 2002)

                              Un dialogue étrange.

—  Qui donc gît dans cette tombe, elle n'a pas de nom?

—  Cette tombe n'a pas de nom en effet. De plus elle est vide.

—  Vide? Elle m'a l'air bien apprêtée cependant.

—  Madame, qui que vous soyez, sachez que cette tombe est bel et bien vide. Le mort se fait désirer. Il traîne en chemin.

—  Ne serait-ce pas Raphaël, ce mort qui fait des siennes?

—  C'est bien lui, effectivement.

—  Alors sachez que c'était mon amant et que ça ne m'étonne pas de lui. Je suis tout de noir vêtue, mais ne suis pas la reine de la mort. Je ne suis pas la Camarde. Je ne suis pas cette faucheuse hideuse, non. Je fus seulement l'amante de ce mort et je suis étonnée qu'il n'ait pas son nom gravé au haut de cette tombe.

—  Madame, qui que vous soyez, amante d'un vivant ou d'un cadavre, souffrez que le défunt a désiré faire graver les noms de ses amantes au sommet de sa pierre tombale. De plus le mort est tout frais, en général on s'occupe de l'épitaphe une fois le cadavre installé dans sa résidence, clé en main.

—  Et quels étaient les noms de ses amantes, vil fossoyeur?

—  Attendez voir que je regarde les archives administratives... Pour les noms à faire graver sur cette tombe vierge, il y avait Elodie, Christine, Isabelle, Ophélie, Kristel, Chantou, Marie...

—  Avez-vous une Marianne dans votre liste?

—  Une comment dites-vous?

—  Marianne. M comme Mort, A comme Agonie, R comme Rigidité cadavérique, I comme Inhumation...

—  Marianne, j'ai compris... Attendez voir... Marie... Marie-Ange... Marie-Anne... Non, Marianne j'ai pas.

—  Stupide manoeuvre, auriez-vous omis de noter le nom de sa dernière aimée?


—  Madame, je ne suis pas graveur sur marbre, mais fossoyeur. Ca n'est pas moi qui m'occupe de ce genre de détail. Je ne fais que vous lire les archives. Adressez-vous à qui de droit pour votre réclamation. De toute façon les archives seules font autorité. Si "Marianne" n'est pas dans le registre officiel, c'est que le défunt n'a pas émis cette volonté. C'est clair et net. A mon avis il ne vous aimait pas tant que ça.

—  Taisez-vous donc, imbécile de manuel! En fait c'est parce que je fus justement sa dernière amante. Mon nom n'est pas dans vos archives parce que le défunt n'a jamais su que je l'avais embrassé. Je n'avais même pas songé à ce détail stupide... A la minute où je fus son amante, il était déjà mort. Tué par ma propre main. Tant pis pour moi, je ne connaîtrai pas la gloire tombale. Allons, hâtez-vous dans votre tâche fossoyeur, on ne saurait faire attendre les morts.

—  Madame, je vous rapelle que pour le moment c'est le mort qui se fait attendre.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Mon identité poétique

Sous les scintillements de la nuit constellée d'étoiles, je caracole sur ma blanche cavale. La neige soulevée par les sabots de l'animal tourbillonne dans leur sillage, entraînée par le vent. Parfois la poudre fine projetée en l'air m'enveloppe en formant tout autour de moi des myriades d'éclats argentés et semble un instant se confondre avec les poussières célestes qui luisent au-dessus la sainte et éternelle Russie...

Je suis le fils de la toundra, l'enfant des neiges, l'héritier des plaines glacées, le chantre des pays d'hiver, le vivant grain de givre des terres gelées.

Je n'ai pas vraiment de nom, mais je suis l'originel Cosaque.

Depuis des siècles je sillonne inlassablement les étendues sans fin de ce monde de solitude et d'écume, ainsi qu'un immortel cavalier. Je suis le reflet incarné des impérissables légendes nées de ces espaces infinis, et c'est pourquoi je ne puis moi-même mourir.

Toutes les nuits j'erre à n'en plus finir, heureux, dans cet univers immaculé, franchissant des lacs gelés, traversant de vastes et denses forêts, parcourant la steppe à la poursuite de l'horizon, toujours en quête de chevauchées fantastiques, toujours avide de vent, d'étoiles, de neige et d'ivresse.

Toutes les nuits ma monture m'emporte vers ces neiges lointaines inconnues des hommes. Je n'ai pas d'autre but, pas d'autre joie, pas d'autre destin que de chevaucher la nuit dans les immensités gelées de ces terres fabuleuses. Je ne mange pas, je ne bois pas, je ne dors jamais et je suis plus vivant qu'un prince. Je puise mes forces dans la contemplation des grands froids.

Je suis l'Ange de la Russie.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Un rêve éveillé.

Lors d'une promenade nocturne à cheval, une étrange aventure m'est arrivée.

Je filais à molle allure sous la lune, bercé par le son suggestif des sabots de ma monture dont l'écho résonnait avec poésie dans la campagne.

Mélancolique, je me mis à songer à l'improbable aimée qui tardait à venir. Mais bientôt assoupi par le pas alangui de l'animal, je posai la tête contre sa nuque généreuse. Le doux Morphée m'emporta bien vite, tandis que je demeurai à demi couché sur le cheval qui cheminait toujours. Et le songe prit le relais de la rêverie amoureuse... Mais la vision onirique prit corps, tournant à la féerie, et je crus enfin rencontrer ma belle pour de bon:

Elle marchait à mes côtés, se métamorphosant imperceptiblement en une jument superbe: ses cheveux d'or se changeaient en crinière et sa robe claire épousait ses chairs. Je la montai, tout ému, et elle m'entraîna aussitôt dans une chevauchée impétueuse pour prendre son envol vers l'astre de nuit.

Crinière au vent et bouche écumante, elle se lançait dans les airs en hennissent frénétiquement. Mes éperons étincelaient au clair de lune, son crin ondulait fièrement, le vent frais giflait ma face échevelée, et nous étions tous deux ivres de joie!

Je m'étourdissais dans ce saut vertigineux, les doigts agrippés à sa crinière en bataille! Le zénith atteint, dans un long hennissement qui la fit se cabrer avec grâce sur le fond des étoiles, elle communiqua à la lune son bonheur de sillonner le firmament à mon côté, elle cavale ailée, moi baladin sidéral.

Enfin, dans un furtif tourbillon nous disparaissions vers les étoiles.

Reprenant mes esprits, je m'aperçus que je m'étais égaré durant mon bref sommeil sur le dos du cheval qui, impassible, avait continué sa marche. Et, retournant sur mes pas, je fixais la lune qui éclairait mon chemin, songeur, dubitatif. Emu....

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Adieu.

Adieu donc, chère amante. Adieu ma mie, jamais nous ne nous reverrons sur cette terre. Je t'aimais, mais tu es partie. C'est ainsi, c'est le destin et je n'ai pas de haine. Juste un immense chagrin. Mais le temps saura bien réparer, en partie, la blessure. Huit années durant nous nous sommes aimés, plus ou moins bien, et plutôt mal vers la fin. Je vais tenter de t'oublier.

Je ne verrai plus tes sourires, je n'entendrai plus le son de ta voix, je ne baiserai plus tes lèvres, tu ne seras plus à moi. Je ne refermerai plus paisiblement ma main sur la tienne aux heures douces de l'existence, et une pluie froide traversera mon âme lorsque, plein de dépit, je serrerai le poing nu dans ma poche, trop conscient du trésor perdu. Et le muet fracas de cette averse glacée en moi remplacera le son familier de tes rires.

Je tenterai de me consoler à travers les plaisirs de ce monde. Ces illusions de félicité me feront mieux oublier ma douleur. J'irai chercher d'autres ivresses, d'autres saveurs à la vie, pour ne plus sentir ce goût amer du bonheur révolu. Adieu Isabelle, adieu et essaie d'être heureuse. Moi je pars de mon côté, à l'opposé de tes pas. Nous devons nous dire adieu, n'est-ce pas? Allons, il me faudra du courage pour continuer le chemin sans toi.

Il le faudra bien pourtant. Puisque tel est le bon vouloir du destin. Je vais regarder droit devant moi, et faire face à la vie sans me retourner. Tu ne verras pas mes larmes, tu n'auras aucun écho de ma douleur. On fera comme si on était deux étrangers l'un pour l'autre. Ce sera plus facile.

Souhaite-moi quand même d'être fort Isabelle. Des forces, j'en aurais besoin. Ma peine est profonde, terrible, sans limite. Mais c'est la vie. C'est la vie. Adieu Isabelle. Adieu. Ne te retourne pas surtout, tu souffrirais toi aussi, malgré tout. Va! Va faire ta vie puisque tu ne m'aimes plus assez pour rester. Et maintenant laisse-moi seul avec mes larmes. Va, et sois heureuse sans moi.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              ***

Marianne

Je n'entendrai pas sonner le glas. Et pour cause: c'est pour moi qu'il résonnera dans la campagne affligée, par une triste journée de pluie. Vous serez là, recueillie auprès de ma chère dépouille déposée dans l'humble église. Un cierge brûlera à ma droite. L'odeur d'encens embaumera ces lieux paisibles, et vos larmes seront aussi discrètes que la fumée s'élevant dans l'air figé et frais de l'édifice. Le silence sera la musique mortuaire de ce deuil et votre chagrin, infini mais pudique, sera l'hymne secret que vous me dédierez.

Mon corps étendu narguera votre inutile amour. Cet amour impuissant à me faire revenir à la vie. Mon visage, émacié par le masque étrangement serein de la MORT, interrogera les fresques décrépies et sans valeur du plafond de l'église. Vous serez là, questionnant en vain ce cadavre glacé, pétrifié. Vous me prendrez la main avec courage, et vous étonnerez qu'elle soit froide dans votre main chaude et sans réponse à cette décente étreinte, si peu accoutumée que vous serez à l'idée de la mort, de MA mort...

Oui, ce sera mon corps, mon cadavre, ma dépouille, gisant sans se plaindre, sans révolte, sans peur, sans plus de haine ni d'amour. Vous chercherez à comprendre, et il n'y aura rien d'autre à comprendre que le fait de ma mort. Je serai effectivement mort, bel et bien mort. Aussi mort que le sont les pierres, les tombes et les ruines. Vous pourrez pleurer, prier, défier le Ciel et tous ses anges, rien n'y pourra faire: mon corps s'en ira en poussière et nul ne le verra plus jamais. Il sera déjà sur le chemin d'un irréversible anéantissement.

Vous passerez vos doigts contre mon visage de pierre, en signe d'adieu. Et il demeurera impassible, indifférent à votre ultime caresse. Mort. Je serai mort, mon cadavre sera la preuve de cette réalité suprême. Je serai dans le même état que les statues de plâtre peintes de cette modeste église de campagne. Inerte. Comme un objet, comme un caillou, comme du sable anonyme. Sans vie, sans nom, sans chaleur.

Le cierge continuera à brûler en silence dans l'église sombre. Dehors la pluie de mars, triste, lente, lancinante, tombera d'un ciel plombé. Nulle âme ne s'attardera dans les rues en ce jour de deuil, en cette saison de mort. Vous serez seule dans l'église. Seule avec cette chose vidée de vie. Parfois le cierge jettera quelques pâles lueurs contre mon visage à jamais endormi, et ces reflets de flamme lui donneront l'illusion d'être en vie. Vous vous attarderez un peu sur ces éclairs dérisoires, cherchant un réconfort, un signe, un sens, une ultime et mystérieuse explication. Mais la flamme mouvante du cierge continuera à brûler en vain et son humble clarté, dénuée de sens, glissera sur mon visage et ira s'accrocher ailleurs.

Vous finirez par comprendre qu'il est inutile d'attendre, d'espérer, de comprendre. Vous sortirez de l'église avec un incommensurable sentiment d'abandon, d'absurdité. Vous vous retrouverez seule dehors sous cette pluie mortelle, désolante. Et je ne serai plus là pour vous aimer. Je ne serais plus avec vous. Plus jamais. Plus jamais.

Et vous serez seule, seule. Et vous me chercherez. Et vous ne me trouverez pas. Jamais. Parce que je serai mort. Mort. Mort. Définitivement. A tout jamais.

Raphaël Zacharie de lzarraa© Le samedi 27 mai 2000

                              La beauté d'une pauvresse.

Vous êtes belle lorsque sur votre visage souffle le vent, qu'il déclot vos lèvres, fait trembler vos cils et agite vos frisures, comme s'il était votre amant, fou et caressant. Vous êtes belle à mes yeux, vous la dédaignée des riches, des citadins et des coeurs sédentaires. Vous avez la chevelure italienne, le regard ombreux et la bouche tentatrice. Vous êtes née de la terre, avec l'éclat du marbre sur la peau, la senteur des bois dans les cheveux, la pluie sur le front et un peu d'or dans le coeur. Et si vos pieds sont nus, c'est que votre pas demeure libre, sans attache. Libre comme vous, fille des nuages, enfant du soleil, fleur nomade.

Je ne rougis point de votre habit déchiré, ni de vos chevilles cendreuses, ni de votre coiffure de broussaille qui se délie sous la brise, et qui met tant de grâce sur vos traits insouciants... On vous appelle va-nu-pieds, voleuse ou bien souillon. Pourtant vous avez la beauté naturelle de l'ange. Vous chantez de chemin en chemin, le coeur aussi léger que l'air, et dites la bonne aventure avec plein d'ingénuité dans l'oeil, un sourire d'enfant sur les lèvres. Vous êtes l'Esméralda incarnée: danseuse vagabonde, créature errante, ballerine sans semelle, cavalière des pavés. Vous êtes liberté, danse, poussière, cheveux fous, chants lancés aux nues, airs perdus dans l'azur et rires emportés par le vent. Eternel baladin, vous êtes l'enfant de la Bohème.

Vous êtes passée, et je n'ai jamais pu vous oublier.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Les vitraux de Chartres.

Sachez donc que dans mon imagination ardente et malade il est des lieux secrets où je puis vous retrouver en toute heure Marianne. Ces endroits, véritables oasis intimes, splendides, admirables, éternelles, ce sont mes souvenirs des cathédrales. Ces édifices ressurgis de ma mémoire, et qui forment un tangible imaginaire, sont mes refuges les plus sûrs en ce monde agité. C'est là, dans les tréfonds somptueux de mon coeur en proie aux mélancoliques réminiscences, parmi des colonnes jaillissantes, sous des voûtes élégantes à l'extrême, entre des rangées hautes de vitraux, que m'apparaissent vos traits soudainement graves. Désireux de fuir les bassesses de ce monde, les yeux fermés je me glisse dans l'ombre sanctifiée de cette cathédrale en souvenance pour vous rejoindre... Alors, bien ancré dans mes rêveries, je laisse libre cours aux fantaisies qui me prennent sur le moment, et qui m'emportent plus loin que les admirables hauteurs gothiques. Voici un exemple de ces fantasmagories ascensionnelles:

J'imagine que nous sommes seuls, vous et moi, dans ce sanctuaire de pieuse beauté. Dehors la saison ne m'importe plus, tant je préfère au soleil cru (qu'idolâtrent les jouisseurs impies) le jour transfiguré diffusé par les vitraux. La foule hérétique peut bien danser, boire ou chanter, seuls valent à mes yeux le silence des pierres et le bruit discret de nos pas en cette maison de paix. Le reste du monde ne me préoccupe pas en ces moments où je flâne sous les ogives en votre compagnie. Et ma rêverie se poursuit.

A genoux à vos pieds, je lève les yeux vers votre visage qui se baisse sur moi, plein de tendresse, de bonté et de beauté. A l'arrière plan resplendit, éblouissante et majestueuse, la rosace de la cathédrale. Je demeure un instant en extase devant ce tableau impromptu fait de votre visage et de la mosaïque de verres multicolores, où vos traits se croisent avec la lumière dans une perspective inattendue qui donne une féerie particulière à votre regard, à votre face dont les contours bien découpés se détachent sur ce fond de clarté.

Puis peu à peu votre visage se morcelle, se disperse de manière surnaturelle, avant de s'évanouir... Devant un tel prodige je ne suis nullement effrayé, mais mon émotion est grande cependant, et front contre terre je verse les larmes pures de la joie onirique, mystique. Une fois mon émotion versée, toujours agenouillé, je relève la tête et je constate que vous avez mystérieusement disparu. Mais aussitôt je reconnais vos traits transposés dans les éclats de lumière de la rosace, radieux, glorieux, pleins de magnificence.

Et je demeure là, confondu et émerveillé à la fois, seul dans l'immense cathédrale face à votre regard incrusté dans le vitrail de la rosace, oeil unique dans lequel je vous vois toute entière, et qui à partir de maintenant semble scruter pour l'éternité mon âme éperdue d'amour.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Le convoi

L'humble convoi s'ébranle dans la brume. Un vent d'automne soulève quelques feuilles mortes qui tourbillonnent autour des visages, puis retombent aux pieds des marcheurs, dont je fais partie. Le ciel est gris, plombé, et le froid pénètre les coeurs en deuil. Les pas sont lents, pesants, feutrés. Le silence de la troupe est inhabituel, c'est un silence de choix qui fait deviner les mots intérieurs qui n'ont jamais été dits. Les regards sont pénétrés, les fronts baissés, et les mines affligées. De temps à autre des sourires dignes et discrets s'échangent, entre deux murmures. La scène est pénible, désagréable, douloureuse. Pourtant durant ces quelques minutes sombres et solennelles, un ange passe.

Un bref moment de pure poésie, descendue de je ne sais quel ciel énigmatique de mon âme témoin, transforme ce tableau tragique et me le montre sous une lumière inattendue. Tout semble irréel, doux et lointain, idéal et serein. Comme si les suiveurs du pauvre convoi étaient subitement désincarnés, hors du temps et du monde réel, évoluant dans un univers à part fait de lueurs et de mystère, de beautés étranges et d'émois inconnus. Je vois alors une troupe d'êtres célestes escorter une étoile jusqu'au seuil du firmament pour lui dire adieu. Les visages qui m'entourent n'ont plus de nom. La poésie universelle a transfiguré les êtres et les choses. Et à travers les larmes j'entrevois le pur cristal de cette vérité poétique révélée.

Le gouffre ouvert à mes pieds ne m'effraie pas, et la vue de cette chose qui gît au fond n'a point ce goût amer que j'avais tant redouté. J'y lance quelques chrysanthèmes séchés, étonné par la sérénité inattendue de mon geste. Au passage d'un vol d'oiseaux au-dessus cette triste assemblée, quelques têtes se lèvent au ciel. Tout est fini.

On vient de mettre un ami en terre.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              ***

Madame le Maire,

Souvent l'ennui, le poids des jours qui passent, insipides et indolents, ou le calme mortel des heures insanes me chassent hors des murs de ma confortable prison, et c'est d'un pas rageur que je foule le pavé oppressant de la ville.

Bravant la pluie, la neige ou le vent frais d'automne, j'arpente les rues en quête d'un hypothétique destin. Au détour de ces chemins improvisés, j'espère croiser un regard, une étoile ou un chien peut-être, que je suivrais et qui m'emmènerait vers des terres promises, loin de cette ville, loin de ces jours sans éclat ni saveur. Mais je marche droit devant moi, et rien ne vient, rien ne surgit du coin de la rue, à part les voitures qui me frôlent à vive allure, anonymes, ainsi que les pauvres vieilles plus mortes que je ne le suis et qui trépassent à petits pas le long des trottoirs, presque immobiles. Maudites soient ces interminables rues grises et ordinaires baptisées " Général de Gaule " et " Général Leclerc ", et qui sont presque toujours les mêmes dans toutes les autres villes semblables à celle-ci: invariablement ces rues sont moroses, mornes, languissantes. C'est un bien triste hommage que l'on rend aux têtes immortelles en les faisant se pencher sur ces inconnus et ces choses que je croise, exsangues, vides de joie, pleins de poussière et de désolation...

Alors, plongé malgré lui dans ce monde au bord des larmes, dans ce quotidien de deuil, mon pauvre coeur soudainement pris d'une fureur salutaire se met en révolte et, plein de désespoir, en appelle à la souveraine poésie, au romantisme, à l'amour, à toutes les lumières sublimes qui font tant défaut à cette ville où je demeure: Nogent-sur-Marne... Dans ces muets sanglots il s'en remet, plus infortuné, affligé et misérable que vengeur, aux esthètes de la douleur, aux chantres de la détresse, aux poètes du deuil, laissant à leur solennel ennui de Gaule et Leclerc qui veillent sur les deux grandes rues principales. Mon coeur mis au sépulcre psalmodie alors les chants doux de la désespérance, pour ne point mourir tout à fait. Et, m'éloignant de plus en plus de ces rues exécrées, continuellement empruntées sous l'égale grisaille des jours qui se succèdent, je pars à la rencontre de ce pauvre Baudelaire, de ce grandiose Hugo, de cet élégiaque Chopin... Ces rues-là sont tout aussi tristes certes, mais Dieu! qu'ils sont réconfortants ces bardes illustres auprès desquels vient s'épancher mon âme en ruine!

Et bientôt totalement sous l'empire de ces peintres des larmes croisés au gré de mes pas tourmentés, je hâte ma fuite vers l'improbable, ivre du désir d'infini, de fortune et de lauriers, assoiffé de lumière, d'aventures et d'amours, indifférent aux fantômes emmitouflés qui passent à côté de moi. Et avec dévotion, dans une belle et secrète folie, je m'élance sous l'orage, dans l'air glacé ou au milieu de la brume qui tombe, insensible à l'onde terrible du ciel. J'imagine alors qu'un cheval au sabot d'airain, tel Pégase prenant son essor, m'emporte dans une chevauchée fulgurante et que des ailes soudaines m'arrachent enfin de ce sol de misère. Je rêve, caracolant sur une semblable monture, de rejoindre les nues tourmentées qui narguent la ville. Je me vois, sachez-le Madame le Maire, côtoyer les nuages dans une merveilleuse cavalcade et hurler au monde la joie pure émanant de mon coeur plein de gloire. Je me vois partir en direction des étoiles, rejoindre un univers de légendes. Aux antipodes de Nogent-sur-Marne et de sa morne vallée de béton.

Lorsque je dévale la grande rue, tout empli de ces pensées, le visage fouaillé par la pluie, le souffle écumant et les cheveux au vent, j'ai envie Madame le Maire, comme un fou, comme un enfant perdu, comme une âme en peine, de traverser la cité sans faire halte pour aller vous porter ma flamme mourante, pour vous témoigner, plein d'amertume, les langueurs que communique en moi votre ville au quotidien si terne, aux airs si désolants, et qui m'accablent tant. Que ma détresse aujourd'hui au moins aboutisse au seuil de votre ministère, et qu'elle trouve un ultime refuge dans votre compassion naissante.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Je suis mort

Vous m'aimez, mais c'est un triste cadavre que vous aimez en vérité aujourd'hui. Regardez-moi donc d'un peu plus près: voyez ce corps étendu, ce visage sans expression, ces mains inertes: ce sont ceux d'un mort. Réveillez-vous ma bien-aimée, et laissez partir en paix cette chair muette vers le néant de la terre. Laissez-moi, ne regardez plus cette jeune dépouille, tout cela est vain à présent. N'espérez plus entendre à nouveau ces mots d'amour sortir de mes lèvres figées: elles sont mortes elles aussi. Et pour toujours.

Retournez-vous en au monde des vivants et abandonnez vos rêves qui ne sont plus que des cadavres encombrants. Maintenant que je suis mort, il faut que vous partiez. Quittez-moi, quittez ce visage sans vie, quittez cette chambre froide et sa lumière crue. Vivez donc et laissez mourir les autres tant que brille pour vous le soleil. Cessez d'embrasser cet amant indifférent qui gît sous vos yeux: son coeur vidé de chaleur est devenu insensible à vos baisers. Vos lèvres se posent vainement sur mes lèvres. A quoi bon embrasser un mort? Vous n'aurez que le silence et l'immobilité en retour. Les morts sont de bien piètres amants, croyez-moi.

Partez à présent, partez. Le silence de ce mort est plus éloquent que les cris d'un vivant: ne comprenez-vous pas que ce cadavre n'a plus rien à vous dire? Je n'ai rien d'autre à vous chanter que ce silence, en guise d'adieu. Je n'ai plus de souffle pour vous dire autre chose, plus de vie pour animer mes lèvres, plus d'oreille pour entendre vos sanglots, plus de coeur pour vous aimer. Il me reste seulement cette morte chair pour vous témoigner toute ma froideur.

Votre amour est infini, votre coeur inconsolable, votre chagrin incommensurable, certes. Mais ma mort est définitive, mon coeur à jamais éteint, et ma peine inexistante... Je ne suis plus. Et cette vérité est infiniment plus durable que vos larmes éphémères.

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              le Ciel m'a parlé

Et voici ce qu'il m'a dit:

"Raphaël, si ta noblesse a la consistance des pierres dont on fait les cathédrales, si ton coeur est plus léger que le marbre dont on fait les tombes, si ton âme a la transparence du cristal en plein soleil, alors tu es digne de l'épée que tu portes.

Va, et pourfends tes ennemis, combats ces diables d'hérétiques au nom de ce que tu es, porte tes coups sans aucune pitié! Tu es un prince, et eux ce sont des chiens galeux. Ne crains pas leurs ricanements lugubres, ni leurs crocs fétides, ni leurs hurlements impies.

Tu es un prince Raphaël. Tu es le chevalier de la Lune, le paladin des étoiles, le cavalier de la Lumière, l'aimé des anges... Tu es le dragon du Ciel, et tu craches sur la Terre le feu blanc de la Poésie.

Tes traits sont neufs comme l'aurore. Ton front a la majesté des cimes et ton regard reflète l'infini azur. Ta face a la vérité des icônes. Elle trahi ta flamme. Ton âme, ton feu, ton or... L'aube glorieuse. Une goutte de rosée dans chaque prunelle, un éclat de soleil dans le coeur. Tu es un prince, un chevalier, un guerrier, l'amant des muses, des vestales et des statues de sel.

Ta quête n'a pas de fin, pas de bornes, pas d'objet, pas de sens: la Beauté, l'Amour, la Poésie sont ta folie. Ta folie.

Et l'éternité est ton asile."

Raphaël Zacharie de lzarraa©

                              Au jour glorieux de mes funérailles.

Je veux être inhumé en grande pompe et en petits souliers. En bonne compagnie j'espère franchir la jolie porte du cimetière, et je veux entendre autour de mon linceul les médisances chuchotées. Pour ce grand jour de ma vie je veux des larmes. J'en veux des chaudes, des tièdes et des glacées. Oui, j'aimerais des pleurs sincères et des sanglots hypocrites. J'attends à ce grand rendez-vous des mines affligées, des faces de rat et des amantes franchement éplorées.

J'aimerais qu'un public admirable et douteux à la fois, fait de femmes et d'amis, d'ennemis et de bêtes, m'accompagne jusqu'à la tombe. Je veux pour mon enterrement rien que du beau monde: des saints et des salopards. Une assemblée composée d'amis fidèles et de Judas, de vierges timorées et de dévoyées, d'aristocrates et de chiens galeux. Et que chacun me rende hommage, m'ignore ou me maudisse à sa manière.

Il faut qu'au jour de mes funérailles ça sente la rose et la graille, l'encens et le mauvais cigare. Je veux une tragi-comédie, une fête ratée, une farce tournant court, du beau temps alterné avec de la pluie froide, que l'on rie et que l'on se désole, que l'on boive à ma santé et que l'on rende tout sur mon tombeau, que l'on banquète comme des paillards après le spectacle et que l'on vienne me demander pardon sous les étoiles.

Vous viendrez cracher sur ma bière future, vous mes ennemis. Et je m'en réjouis par avance. Vous serez les hôtes de choix de la fête. Vous apporterez cet indispensable piment qui réchauffera un peu la viande froide. Quant à vous mes amis, vous serez là pour donner un peu de dignité aux réjouissances. Vous suivrez au premier rang le convoi funéraire, mais même là vous ne jouerez pas moins les simples seconds rôles qui ont toujours été les vôtres. Vous serez là juste pour donner une bonne figure à cette pénible et joyeuse affaire. Et aussi pour abandonner quelques sous au curé.

Vous mes femmes, mes amantes, mes bien-aimées, mes mal-aimées, mes simples hochets, mes véritables jouets, mes ardentes soumises, mes tièdes insoumises, mes fausses compagnies et mes chères fuyantes, je vous ferai un grand honneur ce jour-là. Bien mis et roide comme un soldat de plomb, j'écouterai vos doléances sans mot dire, sans broncher et sans nulle amertume. Vous pourrez vider vos besaces: je serai entièrement pacifié vis-à-vis des passions terrestres, et vos charmants discours ne me feront plus aucun effet. Roide que je serai, vous dis-je. Et froid comme un glaçon encore, dur comme un coeur de pierre, inébranlable dans ma rectitude. Une correction parfaite dans le maintien, vous verrez. Mais défintitivement inerte.

Curé, vous m'enterrerez pas sans une dernière faveur: vous lirez à mon cher public réuni autour de ma dépouille cette plaisante histoire que je viens de lui écrire.

Raphaël Zacharie de lzarraa©


                                                 ***
Haut de Page triangle

Zhour, Leila

Lune
Qamar

Obstinée dans le choix des couleurs
Ronde parmi les bruns, les ocres
Légère sur les flots émeraude de la canopée
Elle tourne l’étourdie
Le faste pale des écharpes d’eau en nuées livrées aux vents

Je la vois de si haut, là-haut
Transe amoureuse lovée dans mes yeux jaunes
Je la vois de si loin, perdue de froid
L’immense nuit des draps du vide entre elle et moi

Attendrie, je l’appelle
J’ai su ses noms anciens
Ses noms d’avant les mots
Ses noms de matière brute
Quand sa vie se nouait
Dans l’embrasement des roches à venir
Oeil clair déjà sur son berceau de feu

Je soufflais sans répit des mots de vent,
des mots-marées
Et le flamboiement vierge des convulsions
de son premier désir
Avait la rage des commencements
Laissait des brûlures de ferveur
À jamais gravées dans l’obscur

J’inventais ses premières syllabes
Dans l’opiniâtre parfum des magmas

Toujours elle abondait dans la couleur
Folle insouciante dans l’or des enfances secrètes
Puis grave, brunie sous le poids des matières dures

Croissant mouvant,j’ai nommé ses premiers sourires de pierre
Coulés en veines lumineuses
Diamants très purs, si durs,
Dans les gangues des boues saumâtres
Améthystes troublantes dans le clos secret
Des géodes empoussiérées

Amante lointaine étendue sur le tissu du vide
J’ai nommé un à un ses fils, ses tourments
Surgis dans la noria des premiers déluges
Fils incestueux et lourds dont l’exigence bleutée des eaux
Était la proie de mes séductions inaudibles

Amante lointaine dans les vagues consentantes de mon désir
Nourrie de l’indigo profond des gouffres
Repue dans le baiser turquoise des lagons
Amante à moi seule révélée
Chaque nuit
Rotondité du corps

Mais son regard est grave maintenant
Maintenant que les ténèbres ont recouvré le silence

Mais son regard est bleu maintenant
Adouci dans le blanc mouvant
D’une buée drapée autour de ses rêves
Il est question muette qu’aucun mot ne sait désigner
Et je l’appelle encore dans la douceur
Des mille et un noms qui la disent
Quand ses larmes se font cyclones
Le long des vallées noires de ses seins de basalte
Et rien ne bouge hormis l’écharpe souple des vents solaires
Glissée sur le silence nu de ses épaules boréales

Entends ma voix si froide,
Pâle dans le reflet de mon oeil argenté
Entends ces noms d’avant la création
Dont j’emperle tes nuits
Or natif des mots
Entends l’immuable farandole du temps
Glisser le long du sillon mémorable d’hier
Entends aussi ce nom si doux
Nom d’aujourd’hui en maintes et maintes langues
Imprononçable nom que tait le mystère de ma blancheur
Entends la marée, le désir
Pleine terre-basse terre
Fumée sauvage du chant mêlé des sphères
De la Terre à la Lune

De toi à moi

Leila Zhour© (16 janvier 2000)

    ***
À Haute Voix

À haute voix, je te dis que je t'aime
À haute voix, je pense notre amour
À haute voix, je ris de tes baisers
Et je dis tout haut que t'aimer, c'est si bon

Dire sans fin la longue caresse de tes mains sur mon corps
Dire sans cesse tes lèvres au creux de mes épaules
Dire toujours l'ivresse de tes bras serrés autour de moi
Et dire et dire encore ma bouche avide de t'aimer

Parler de toi dans mes rêves sans bride, sans limite
Parler de toi au ciel chargé des pourpres du couchant
Parler de toi dans la nuit silencieuse trop familière
Et parler encore de toi aux murs blafards de la ville

Murmurer dans un souffle le désir sans cesse renaissant
Murmurer dans un frisson l'éclosion du plaisir
Murmurer avant de m'endormir pour cueillir un dernier baiser
Et murmurer encore à mon réveil des mots qui sont l'amour

Ma voix si rauque quand nos corps se rejoignent
Ma voix profonde dans les méandres de l'interminable caresse
Ma voix sur le point de s'éteindre en gémissements lourds
Et ma voix jamais tarie enroulée comme un pagne sur tes hanches

Tout cet amour dans ma parole qui se dévide au fil du temps
Tout cet amour chanté à tes oreilles jusqu'au silence
Tout cet amour qui se prononce pour, oh oui, vraiment pour
Tout mon amour pour toi en griffures de papier

Entends comme chaque mot est la promesse d'un autre, plus doux
Entends dans l'inflexion de mon regard mon corps qui chante
Entends le désir en maraude autour de nos propos
Entends encore cette pulsation lente entre nous deux

Je le dirai jusqu'à le nourrir de mon sang assoiffé
Cet amour aux noms indissociés qui lie mon esprit et ma chair
Je le dirai à toi, aux autres, au monde sourd
Pour que résonne au delà de nos corps la passion qui nous pousse

Et nous serons glorieux, mais sur quel territoire ?
Et nous serons couverts d'une gloire d'amour
Qui offrira un manteau irisé à nos nudités fragiles
Et nous serons nus et vêtus
Et nous irons, si riches dans notre dénuement

Leila Zhour© (Décembre 1999)

    ***
Jalousie

Glissent en caresse de pluie incandescente
(Pluie de cendres issues de quel volcan ?).
Noir et bleu de leurs yeux
Autour des cils précis de désir.
Ma jalousie détournée de son ombre.

Provocante,
sa jupe est courte, la cuisse
Soyeuse.
Les regards suivent faute de main
Des épaules aux chevilles.

Une idée du plaisir.
(Est-ce une idée ?),
Ancienne métaphore de la corolle,
Femme au corps fugitif.
J'ai vu dans tes iris
Le reflet chaud et dur des baisers en attente.

Regarde et vois, dis-tu.
Et je te vois
Et lui te vois aussi
Et tes yeux sur sa peau sont une faim
Et ma soif est immense aussi.

Je devine au fond de tes pupilles
Le regard qui consume, qui me consume aussi.
Offense d'un désir qui n'est pas le mien
Et je le veux.
Femme dans la rue,
Présente,
La même qu'en moi, mais le corps est celui d'une autre.

Cette idée du désir si proche !
Et toi et lui,
Car je suis toi et lui,
Entière dans l'anticipation d'un présent qui sera peut-être,
Perverse à mon corps consentant.

Ah les yeux des filles sur ta peau,
Homme de rien, homme de tout,
Des yeux aux douceurs de plage déserte,
Tu sais.

Mes yeux hantent ta peau.
Mes yeux hantés de toi,
Mes yeux de femme sans repos
Ni répit dans le silence du soir trop dense.

v Le costume indiffère.
Échancrure d'un ailleurs où apposer les lèvres,
L'ourlet est l'indéchiffrable limite au seuil de mon regard.

Être femme entre lui et toi
Le désir insistant mais fluide
Écharpe de soie sur les reins
Et je l'attends les yeux enfuis,
Mes yeux de fille sur sa peau,
Mes yeux glissés dans les failles de ton espérance.

Les filles qui passent,
Les femmes au loin
Et ta peau sous ma main.

Leila Zhour© Décembre 1999

    ***
Aime-moi.

Oh cette nécessité !
Aime-moi, parole forte.
Dis-moi, dis-moi ces mots manquants,
Dis-moi jusqu'à remplir le creux de mon âme
Ces mots lents qui coulent jusqu'aux tréfonds de l'être.

Je veux ton amour,
Je veux ton souffle à mon rythme,
Je veux ces mots en toi.
Dis-moi, dis-moi au-delà du silence,
Dis-moi l'amour, tout ton amour.
Que sonne l'absurde de la passion qui nous tient.

Aime-moi de ces mots qui caressent la chair,
Aime-moi à m'étourdir en ta parole.
Je veux, je veux sans le dire
Que tu saches me le dire.
Oh cette nécessité !
Brûlante,
Dévorante.

Dévastée de silence,
Ruinée dans l'isolement, le doute,
Dis-moi le feu, l'ivresse,
Dis-moi le désir qui ravine nos lèvres,
Dis-moi sans futur le présent inconstant
De seconde en seconde hors de la fuite
Qui tu es,
Que je saisisse ton être maintenant.

Un drap de soie à peine opaque,
Ta voix posée en plis légers
Autour de ma taille.
Ta voix encore, surgie par effraction,
Un labyrinthe élucidé dans mon âme qui te cherche.

Dis-le, dis-le
Ce mot terrible que tu fuis.
Oh cette nécessité !
Brûlure de toi,
Un empire insensé

Leila Zhour©



Archives:nouvelles de Sélénè Les Amours d'Orphée et d'Eurydice

Retour au sommaire du Jardin des Muses



Dernière modification: